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et des boulevards seront devenus grands, leur ombre versera la fraîcheur au passant. D’ailleurs, lorsque l’été il y a un peu de brise, on la sent mieux dans ces voies spacieuses que dans les ruelles de l’ancienne Florence. Nous n’avons jamais habité les bords de l’Arno que dans la saison tempérée, au printemps ou en automne ; nous n’avons donc pas qualité pour juger ce procès. Les modernes architectes florentins sont gens de goût ; nous craignons pourtant qu’ils n’aient commis là une erreur analogue à celle où sont tombés les architectes allemands qui, en bâtissant la nouvelle Athènes, se sont trop souvenus de Munich et de Stuttgart. Dans les siècles où l’on n’avait pas assez de science pour imiter, de parti-pris, tel ou tel modèle étranger, chaque peuple, guidé par un secret et sûr instinct, a presque toujours trouvé d’emblée et fidèlement pratiqué le genre de constructions qui convenait le mieux aux conditions hygiéniques du milieu où il était appelé à vivre.

Ce qui pourrait contribuer à atténuer ces défauts des quartiers neufs, ce serait l’eau, jaillissant de nombreuses fontaines, répandue à profusion par l’arrosage municipal, sur la voie publique, distribuée largement, en vertu de concessions payées, dans les maisons particulières et dans leurs jardins. Amener l’eau à Florence en quantité suffisante, ce fut une des premières préoccupations de l’édilité florentine. On y réussit de deux manières. D’une part, la ville acheta et conduisit jusque dans ses murs, par un long aqueduc couvert, l’eau pure et fraîche de belles sources qui jaillissent dans la montagne, au-delà de Fiesole. D’autre part, une galerie filtrante fut pratiquée au-dessus de Florence, le long de l’Arno. Les eaux ainsi recueillies sont élevées par une pompe à feu dans un vaste réservoir, auprès du viale dei Colli, et de là dirigées vers les différens quartiers de la cité.

Rien de plus utile et de mieux justifié que ces travaux ; mais l’argent a manqué pour les conduire jusqu’au point où les bienfaits s’en feraient sentir à tous, où le capital engagé commencerait à porter intérêt. Le municipe, en raison de sa détresse, n’arrose guère les boulevards et les rues ; dans beaucoup de celles-ci, les tuyaux ne sont d’ailleurs pas encore posés, et il n’y a point de prises d’eau. On aurait dû commencer par faire partout la canalisation ; tout au contraire, en dehors d’un certain nombre de grandes voies, on n’a mis l’eau que dans les rues où elle a été demandée par quelques propriétaires s’engageant à en prendre une quantité dont le prix annuel paie la dépense des travaux à exécuter. Or, sur beaucoup de points, on n’a pu réunir les engagemens nécessaires. Par indolence et par économie, bien des gens continuent à se contenter de l’eau de leur puits ; s’ils avaient à leur porte une eau meilleure et plus saine, s’ils la voyaient couler légère et pure du