vouliez ou non, vous nous menez tout doucement à notre perte certaine. Il n’y a rien de commun entre nous. — Quelle garantie vous faut-il donc ? .. — Une seule, après quoi nous ferons tout ce que vous voudrez, nous vous laisserons détendre les ressorts. Donnez-nous cette garantie, et nous vous suivrons aveuglément. »
Qu’on se représente la surprise et l’anxiété de Mathieu Dumas. « Nous ferons tout ce que vous voudrez, nous vous laisserons détendre les ressorts, nous vous suivrons aveuglément. » Quelle promesse que celle-là ! Et que demande Treilhard pour s’engager de la sorte, lui et ses amis des deux conseils ? Une garantie, pas davantage, une seule garantie. Ah ! certes, dans l’esprit de Mathieu Dumas, elle est accordée d’avance, à moins qu’elle ne soit contraire à l’honneur, et avec un homme tel que Treilhard ce soupçon n’est pas de mise. Quelle est donc cette garantie que réclame le conventionnel ? « Montez à la tribune, dit Treilhard, et déclarez que, si vous aviez été membre de la convention, vous auriez comme nous voté la mort de Louis XVI. »
Voilà le secret terrible, le secret qui pèse sur tant de consciences. Sans ce lien qui les enchaîne, combien de conventionnels chercheraient parmi les modérés des compagnons d’armes pour sortir de l’odieuse impasse ! Des compagnons, ils n’en peuvent avoir, il leur faut des complices. « Vous demandez l’impossible, répondit Mathieu Dumas, vous demandez ce que vous ne feriez point à notre place. » Et il insistait sur la vanité des terreurs qui poursuivaient Treilhard. Est-ce qu’il s’agissait d’une contre-révolution, d’un retour quelconque à un passé disparu pour toujours ? Il s’agissait de fonder une république honnête et affranchie des jacobins. — « Non, répliqua le conventionnel, la partie n’est pas égale ; nos têtes sont au jeu. »
Un autre exemple de cette situation, également signalé par M. Thureau-Dangin, c’est celui que présente Carnot. Depuis l’établissement du directoire, Carnot est un des cinq chefs du pouvoir exécutif. C’est un républicain austère et courageux. Bien des choses lui répugnent dans le gouvernement dont il fait partie. Il ne veut être confondu ni avec les pervertis, comme Barras, ni avec ceux qui favorisent encore ou subissent l’action des jacobins. Il a vu de trop près les tyrans de la convention. La part même qu’il a prise aux actes du comité de salut public le tourmente d’une façon atroce. Il a beau se dire à lui-même et aux autres qu’il s’y occupait seulement de l’armée, que sa signature au bas des décrets terroristes ne signifiait rien, que la minorité, après le vote, signait avec la majorité, que lui en particulier, exclusivement absorbé par le département de la guerre, ne prenait aucune part aux autres discussions, il a beau chercher ainsi des justifications tirées de l’épouvantable