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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/355

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l’ancien régime ; l’ancien régime se dresse à côté d’eux sous son image la plus repoussante et les empêche d’accomplir leur œuvre. Assurément, parmi les gens de l’extrême droite, tous n’ont pas cet aspect odieux ; il y a les âmes honnêtes, mais aveugles, les politiques qui, n’ayant rien appris, ne savent pas le premier mot de leur temps, les cœurs chevaleresques enclins à mettre toute la politique dans je ne sais quelle fidélité où l’instinct animal a plus de part que l’intelligence d’une créature humaine, mystiques d’une nouvelle espèce, comme le remarque si justement M. Thureau-Dangin, « mystiques doucement obstinés et naïvement téméraires, dont M. de Polignac sera plus tard l’effrayante personnification ; visionnaires tranquilles, se croyant prédestinés par Dieu pour sauver le roi, et le conduisant à l’abîme avec une confiance souriante. » Mais à côté de ces mystiques, il y a les tempéramens révolutionnaires, les fiévreux, les corrompus, ceux qui mettent au service de la cause monarchique tous les vices de l’ancien régime et tous les vices de la démagogie. Conspirateurs royalistes sous la république et l’empire, rompus aux manœuvres des agences secrètes, il y a longtemps qu’ils se sont dégagés de tout scrupule. Pour rassurer leur conscience, s’ils ont encore une conscience, ils se répètent cyniquement : la fin justifie les moyens. Il n’est pas de moyens, en effet, qui leur répugnent, les hommes les plus souillés ne leur déplaisent pas, ils s’entendent avec Fouché au moment d’attaquer le duc de Richelieu, comme ils s’entendaient sous le directoire avec Barras et répudiaient Mallet-Dupan. Ce sont des fanatiques en même temps que des coureurs d’aventures. La crise héroïque et funeste des cent jours, le retour prodigieux de Napoléon et l’écrasement de la France, ne fournirent que trop d’argumens aux coryphées de ce parti. Les ménagemens de 1814, à les entendre, avaient amené les désastres de 1815. La seconde restauration ne devait plus être une œuvre de conciliation et de paix, comme disaient les conservateurs, elle devait être une œuvre de représailles ; son nom, c’était la vengeance. « Ils sont fous, » disait Louis XVIII, et, soutenu par le duc Decazes, il se décida le 5 septembre 1816 à signer l’ordonnance qui prononçait la dissolution de la chambre.

Les fous agités devinrent des fous furieux. Les élections de septembre et octobre 1816 ayant donné la majorité aux députés du centre, c’est le moment où l’opposition de droite se constitue comme une opposition démagogique. Elle en a le tempérament, elle en prend les appareils et les engins. La droite n’aura pas seulement des comités, elle aura un organisme caché de sociétés secrètes. Savez-vous ce que c’est que la société des Francs régénérés ? Connaissez-vous le but que poursuivent la Société de l’anneau, la Société des bandouliers, la Société des chevaliers du tropique ? A lire