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la côte occidentale de l’Afrique, en Sénégambie. Dans ces tapis, dans ces grosses étoffes de laine, dans ces armes, dans ces instrumens de musique, dans ces harnachemens de cuir rouge brodé, dans ces bijoux filigranes, dans ces sandales de bois mosaïque, on retrouve au Sénégal quelque chose de l’Algérie avec un caractère plus barbare. Mais le Gabon est tout à fait sauvage ; les Pahouins n’ont pour vêtement que des fibres textiles brutes, et ils ne connaissent en fait de tapis que les peaux de singes et de genettes.

Tunis, l’Égypte, la Perse, le Maroc, le Sénégal, n’ouvrent pour ainsi dire aux curieux qu’une lucarne sur leur pays. L’Algérie, au contraire, leur ouvre la porte toute grande. Il y a comme un quartier d’Alger transporté au Trocadéro. Plus de quinze petites constructions arabes bordent les allées : kiosques, mosquées, bazars, okkels, cafés, comptoirs de pâtisseries, jusqu’à une grande tente de poil de chameau rayée de brun et de jaune foncé, où quatre Kabyles accroupis sur des nattes façonnent des babouches, des bourses et autres objets de maroquinerie. Au centre de cette ville arabe en réduction s’élève un édifice monumental du plus beau style algérien ; c’est la reproduction de l’antique mosquée de Sidi-Boumédine, à Tlemcen. Qu’on se figure un vaste quadrilatère allongé, flanqué de quatre tours massives, dont l’une est dominée par un minaret de 30 mètres. Les murailles, percées de barbacanes ogivales et couronnées à leur sommet de créneaux dentelés, sont toutes blanches. Quelques dessins intaillés dans la pierre sous les machicoulis des tours, et une frise de faïences vertes et bleues qui règne tout autour de l’édifice en sont tes seuls ornemens. La porte, où l’on accède par six degrés, ouvre son arc outrepassé dans un resplendissant encadrement de faïences polychromes. L’intérieur est distribué comme un caravansérail : quatre galeries couvertes, longues et hautes, soutenues par une ligne d’arceaux en fer à cheval, entourent un ravissant jardin où poussent des palmiers et des aloès et où s’arrondit la vasque d’un jet d’eau. Dans ces galeries sont rassemblés les produits agricoles, forestiers et métallurgiques de la colonie et tous les spécimens de l’industrie indigène. Ici les marbres et les métaux, les pelleteries et les plumes d’autruche ; là les céréales et les fruits, les bois et les plantes. De ce côté, les armes et les bijoux, les tapis de laine et les étoffes de soie et de coton, les haïks, les burnous, les écharpes, les résilles. Plus loin les nattes et les paniers de sparterie, les meubles de thuya tournés les plateaux et les coupes de cuivre émaillé, les cuirs multicolores ramages de broderies capricieuses, les gargoulettes et les alcarazas de terre rouge. C’est toute l’Algérie dans 50 mètres carrés. On a eu l’idée originale de ne pas ranger comme dans un étalage cette