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APULE ET SON TEMPS

L’AMOUR ET PSYCHE

Le plus aristocrate des écrivains de notre temps, l’auteur des Origines du Christianisme, vient de publier un volume de mélanges qui renferme, entre autres morceaux de critique historique et philosophique, une étude sur l’impératrice Faustine. C’est le propre de M. Renan de savoir tout de suite vous faire aimer le sujet qu’il traite ; il a le charme, l’abondance, l’émotion, et ne demande pas mieux que. de se laisser doucement glisser à l’apologie pour peu que le personnage qui l’occupe appartienne à ces hautes classes dont son esprit semble irrémédiablement subir la fascination. « Il est des natures qui, j’ose le dire, appellent la calomnie, la créent autour d’elles, s’y livrent de gaîté de cœur. » Belle, élégante, aristocratique et légère, la femme de Marc-Aurèle était de ces natures-là, du moins c’est ce que pense d’elle M. Renan, qui voudrait tien l’arracher à la famille des Julie et des Messaline pour la placer dans l’histoire des héroïnes sentimentales, entre Marie-Stuart. et Marie-Antoinette. Mais alors que deviennent ces hontes et ces infamies dont la voix publique accusa la fille d’Antonin ? Ici, s’écrie l’apologiste, la calomnie est facile, car la réfutation est impossible. Et justement parce que la-réfutation est impossible, le voilà taxant de commérages et méchans propos toutes ces anecdotes que les générations se sont transmises et dans lesquelles un peuple résume ses colères et ses mépris. Commérages sans doute aussi et méchans propos les anecdotes qui nous racontent les prouesses d’une Catherine ou les gaîtés champêtres d’une Dubarry ?

Famosa adulteriis ! L’impératrice Faustine remarque au cirque un beau gladiateur, et la tentation l’entreprend ; aux rêveries solitaires bientôt succèdent les fiévreuses ardeurs, l’insomnie que hante Aphrodite attachée tout entière à sa proie. Le mal empire