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CAMARON
ÉPISODE DE LA GUERRE DU MEXIQUE

Parler de l’expédition du Mexique aujourd’hui, c’est la condamner. L’or et le sang de la France gaspillés en pure perte, nos arsenaux vidés jusqu’à l’épuisement, la retraite précipitée de nos troupes au premier signe du mécontentement des États-Unis, la mort tragique de Maximilien d’Autriche, notre protégé, la ruine de tant de braves gens qui, sur la foi des discours officiels, avaient cru à la solidité des valeurs mexicaines, les conséquences trop tôt vérifiées d’une folle entreprise qui nous laissait affaiblis désormais en face de notre véritable ennemi, jusqu’à la défection de l’homme qui s’y était acquis richesses et honneurs, tout cela pour nous résume une des plus douloureuses pages de notre histoire. Il ne faudrait pas pourtant dépasser la mesure et, par un sentiment exagéré, payer d’ingratitude ceux qui, tous les premiers victimes des faux calculs d’une politique d’aventure, allèrent par-delà les mers soutenir l’honneur du nom français. Partis au nombre de quelques milliers, chargés de conquérir et d’occuper à eux seuls la surface d’un pays cinq fois plus grand que le nôtre, ayant à lutter tout ensemble contre les surprises d’un climat meurtrier et les embûches des guérilleros, nos soldats furent au Mexique ce qu’ils avaient été en Afrique, en Crimée, en Italie, inaccessibles à la crainte, aux fatigues et aux privations. Qu’on feuillette les bulletins militaires, on ne trouvera pas un jour dans cette longue campagne de quatre ans qui n’ait été témoin d’un ou plusieurs combats, souvent heureux, parfois contraires, livrés d’ordinaire à la suite de marches écrasantes ou contre des forces dix fois supérieures. Il y eut là, sur cette terre lointaine, des prodiges inouïs de valeur, de constance, de dévoûment à la patrie et au drapeau ; un souffle d’héroïsme semblait avoir passé dans tous les rangs, et tel fait d’armes à peine