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souffrances, un premier convoi de 8 prisonniers, dont faisait partie le caporal Maine, fut échangé contre 200 soldats et un colonel mexicains que nous avions en notre pouvoir. Dans l’intervalle bon nombre des blessés avaient encore succombé ; quelques-uns, qui n’avaient pu quitter l’hôpital de Jalapa, rentrèrent plus tard.

Ce retour des prisonniers fut un perpétuel triomphe ; dans toutes les villes et les villages où ils passaient, la foule se portait à leur rencontre et les acclamait ; les Indiens surtout, dont l’esprit se frappe plus aisément, restaient saisis à leur vue d’une sorte d’étonnement superstitieux et s’écriaient enjoignant les mains : « Jesu-Maria, les voilà ! »

Dès leur arrivée au corps, le chef de bataillon Regnault, qui commandait alors par intérim le régiment étranger, au lieu et place du colonel Jeanningros, appelé à Vera-Cruz, s’empressa de rédiger un rapport circonstancié du combat de Camaron dont on ignorait encore les détails. Ce rapport très émouvant, très bien fait, parvint par voie hiérarchique jusqu’au général en chef Forey. À son tour celui-ci voulut qu’il en fût donné lecture à toutes les troupes du corps expéditionnaire, et dans un ordre du jour daté de son quartier général de Mexico, le 31 août 1863, après avoir glorifié les braves qui avaient soutenu cette lutte de géans, comme il disait, il déclara qu’une si belle conduite avait mérité des récompenses extraordinaires. En vertu donc des pouvoirs à lui conférés, Maine, sergent depuis son retour et déjà décoré, devait être promu au grade de sous-lieutenant à la première vacance, dans le corps ; Schaffner, Wensel, Fritz, Pinzinger, Brunswick, recevaient la croix de la Légion d’honneur, quatre autres la médaille militaire. Peu de temps après., le régiment étranger était rappelé en Europe ; les nominations, confirmées par décret impérial, parurent au Moniteur universel., le 9 août 1864.

Aujourd’hui le chemin de fer de Vera-Cruz à Mexico traverse Camaron et passe sur les fondations des deux anciennes maisons, en face de l’hacienda en partie détruite pour l’agrandissement du village. Non loin de là, à la place où dorment les héros, s’élève un tertre, surmonté d’une colonne brisée qu’entoure en serpentant une guirlande de lauriers ; point d’inscription : leur gloire y supplée ; c’est le gouvernement mexicain qui fait les frais de l’entretien ; mais depuis le jour mémorable, pendant toute la durée de l’occupation, chaque fois qu’un détachement français passait devant Camaron, les tambours battaient aux champs, les soldats présentaient les armes fit les officiers pieusement saluaient de l’épée.


L. LOUIS-LANDE.