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d’apparaître. Déjà la multitude qui s’avance a tari les fleuves ; si la flotte qui l’accompagne la perdait un instant de vue, ce ne sont pas les sauvages contrées des Ciconiens, des Bistones, des Sapéens, des Derséens, des Édones et des Satres qui pourvoiraient à sa subsistance. Arrivé dans Acanthe, Xerxès congédia la flotte, et lui donna l’ordre de l’aller attendre à Therma, au fond du vaste golfe qui porte aujourd’hui le nom de golfe de Salonique. D’Acanthe à Therma, la côte était trop découpée, déchiquetée par trop d’échancrures, pour que les vaisseaux et l’armée pussent plus longtemps demeurer en contact. L’armée prit à travers la Thrace, la flotte franchit le canal de l’Athos et passa du golfe de Monte-Santo au golfe de Cassandre, — pour être mieux compris, employons les noms modernes, — du golfe de Cassandre au golfe de Salonique. Soldats et matelots se retrouvent enfin sur les bords du Vardar, à l’embouchure de l’antique Axios.

L’armée se repose ; le roi veille. Examen fait des lieux, Xerxès se décide à prendre la route haute, par le territoire des Macédoniens. Une fois en Thessalie, il ne manquera pas d’herbe pour ses chevaux. A toutes les époques de l’histoire, des milliers d’escadrons se sont rassemblés, dès les premiers jours du printemps, sur les rives verdoyantes du Sperchius. Là ont campé les chevaliers francs, les soldats de la grande compagnie catalane, les kaïmakans de Mahomet II et les vizirs de Mahmoud. La mer, par ses apports, a élargi aujourd’hui le défilé des Thermopyles ; en l’année 480 avant notre ère, ce défilé ne présentait entre les derniers contre-forts de l’OEta et le golfe Maliaque, devenu aujourd’hui la baie de Zeitoun, qu’une chaussée étroite, à peine aussi large que le Pas de Roland dans les Pyrénées. Deux chars de front n’y auraient pu trouver passage ; une poignée d’hommes, un rempart de terre suffisaient pour en interdire l’accès. Les Grecs avaient renoncé à défendre la vallée de Tempe ; ils résolurent de tenir ferme aux Thermopyles. L’armée de Xerxès se trouve arrêtée. Pas plus que l’armée, la flotte qui longe la côte ne peut passer outre. Ses éclaireurs viennent de lui apprendre que les vaisseaux grecs ont pris position à la pointe septentrionale de l’Eubée. Parties de l’embouchure du Vardar onze jours après Xerxès, les 1,200 trières ont navigué tout le jour. La nuit venue, au lieu de s’engager dans le canal qui sépare l’Ile de Skiathos du continent, elles abordent et vont jeter l’ancre non loin du cap Sépias. Jusqu’aux premières lueurs du matin, la mer fut tranquille. Avec le soleil, le vent de l’Hellespont s’élève. Heureux le capitaine qui, au premier souffle de ce vent redouté, se trouva en mesure de hâler son vaisseau à terre ! La plage le sauvera de la tempête ; mais la plage est peu étendue, et les trières avaient dû mouiller sur huit