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leur propre salut ! » 300,000 hommes devaient rester en Grèce avec Mardonius. Cette armée fut choisie parmi les meilleures troupes de l’empire. On la composa d’abord des Immortels, dont le nom venait de ce que l’on tenait toujours ce corps au complet, puis de l’infanterie perse munie de cuirasses, puis des cavaliers compris sous la dénomination des mille chevaux, des Mèdes enfin, auxquels Mardonius demanda qu’on adjoignît les Saces, les Bactriens, les Indiens, infanterie et cavalerie. Ces dispositions prises, Xerxès se réserva la tâche la plus rude. Il se chargea de ramener en Asie le reste de l’armée. Cette multitude présentait une analogie frappante avec la troupe qui suivit plus tard Pierre l’Ermite. On l’avait partagée en nations, et chaque nation marchait autant que possible sous sa propre bannière. Une pareille troupe eût été de peu de secours dans les combats ; on l’avait trouvée d’une rare utilité quand il avait fallu jeter des ponts, creuser des canaux et percer des routes. Toute armée asiatique à ainsi ses « azabs, » qui prennent les devans « pour faire le dégât. » On les fauche, on les tue ; ils tombent par milliers sur les routes ou dans les fossés ; c’est sur leur corps qu’on arrive à la brèche. La destruction de ces enfans perdus ne constitue pas un désastre, pourvu que le gros de l’armée reste intact. En faisant deux parts de ses troupes, Xerxès agissait comme eût agi à sa place Soliman. Le fleuve débordé se préparait à rentrer dans son lit ; Xerxès commençait par en pousser devant lui toute l’écume. On ne peut appeler de telles dispositions une fuite ; l’histoire n’a pas eu souvent à en enregistrer d’aussi sages. Quant à la flotte, elle reçut le soir même l’ordre de faire voile vers l’Hellespont. Il eût été difficile de la faire hiverner en Grèce. Comment aurait-on pu y nourrir les équipages ? Le pont de bateaux était d’ailleurs la sauvegarde de l’armée. Xerxès ne jugea pas hors de propos d’assurer le plus tôt possible à cette dernière issue une protection efficace.


IV

Dès que l’obscurité fut assez complète pour dérober à la connaissance de l’ennemi ses mouvemens, la flotte des Perses partit de Phalère. Le jour retrouva les Grecs sur la défensive. Eurybiade et Thémistocle en crurent à peine leurs yeux, quand ils s’aperçurent que la rade de Phalère était vide. Thémistocle était de cette race des Nelson qui ne croient jamais avoir assez fait quand il reste un vaisseau à capturer. Il voulait poursuivre jusqu’en Asie la flotte disparue. Eurybiade et les Péloponésiens se déclaraient trop heureux d’être débarrassés de la présence des barbares ; ils n’auraient,