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rivaux, les Chinois, dont l’étalage semble destiné, par un mauvais sort, à servir de repoussoir à celui du Daï Nippon. Autant on remarque chez les uns d’élégance et de spontanéité, autant on constate chez les autres de mauvais goût et de maladroite recherche. Avant même d’entrer au Champ de Mars, ce contraste frappe le visiteur dans les pavillons mitoyens du Trocadéro. Cette construction prétentieuse, chargée d’ornemens bigarrés, encombrée de marchandises de pacotille, dépourvue même du mérite de l’exactitude, sorte de compromis entre le temple et le ya-men, c’est l’annexe chinoise. Êtes-vous dans la maison d’un riche citadin, dans un restaurant ou dans la demeure d’une idole ? Vous n’en savez rien, et les voyageurs les mieux renseignés sur l’Empire du Milieu auront peine à vous l’apprendre. Au contraire entrez dans l’annexe japonaise : parmi les plantes indigènes, vos yeux s’arrêtent sur une maisonnette d’une attrayante simplicité, qui semble un joujou délicat et donne immédiatement, par ses supports de bois, ses cloisons de papier et sa construction à jour, l’idée d’une nature gaie et d’une race hospitalière. Sans doute le titre de « village japonais » est légèrement ambitieux : jamais l’humble couple de paysans que nous avons vus barboter jusqu’à la ceinture dans les rizières, les jambes protégées par des guêtres de soie contre les piqûres des sangsues, n’a dormi sur des nattes aussi fines et ne s’est abrité derrière des paravens si rutilans d’or. Mais il faut bien passer un peu de toilette aux jolies femmes et de coquetterie aux exposans. Qu’importe que la maison soit trop petite pour celle d’un bourgeois ou d’un noble, trop jolie pour celle d’un cultivateur ou d’un artisan, si elle donne une idée de la vie intime du peuple qui l’a construite ! Cette miniature rappelle les vide-bouteilles champêtres semés dans les anciens parcs princiers, ou certaines maisons de thé dispersées dans la campagne aux environs d’Yédo. Il n’y manque que la plantureuse fille qui fait signe de la main au passant en lui criant : Irassha ! irassha ! (entrez, entrez !) Combien il est regrettable de trouver tout auprès une boutique de faïences à bon marché et un assortiment digne de nos magasins de nouveautés. Passe encore pour les embellissemens de complaisance et les accessoires inexacts, mais qu’on nous fasse grâce de l’invraisemblance, et, puisque nous sommes dans un village, qu’on nous montre les instrumens de culture, les ustensiles de ménage, le harnais et le bât des chevaux, les primitifs socs de charrue, et jusqu’au baquet où le voyageur lave ses pieds avant de fouler les nattes de la maison.

Si incomplet que soit ce tableau de la vie chinoise ou de la vie japonaise, c’est à tort qu’on se flatterait d’en trouver une image plus fidèle en se transportant de l’autre côté de la Seine. Ici tout semble s’être incliné devant le besoin de présenter aux acheteurs européens