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du vert de mer, renforcée par le fond blanc laiteux. Telle paire de vases aura beau être cotée 10,000 francs, nous n’en déclarerons pas moins contraires au bon goût et au bon sens leurs grands médaillons, leurs grands dessins dont aucun détail n’échappe, et leurs cols flanqués d’éventails de bronze en manière d’anse qui déchireraient la main qui voudrait les saisir.

Voyez, au contraire, comme à peu de frais le potier japonais sait faire de charmantes choses quand il se laisse aller à son instinct, sans consulter ce qu’il croit être la mode étrangère. Ces pitons, d’un blanc œuf d’autruche, imitant une section de bambou autour desquels s’enroule une branche d’un beau vert clair et voltige un moineau, ces plats d’Etchizen à fond gris, de Hirado à ramages bleu et blanc, ces troncs d’arbre évidés où, par une fantaisie amusante, l’artiste s’est avisé de nicher toute une famille de singes, ces simples baquets de porcelaine faits à l’imitation des seaux de bois familiers aux ménagères, tous ces petits pots auxquels on sent que l’ouvrier a travaillé sans effort, en pleine possession de son sujet et de ses moyens, nous charment par l’heureux caprice qui semble avoir présidé à leur confection.

Les porcelaines de Kanga et celles de Satzuma sont soigneusement mises à part, comme elles le méritent. Celles de Kanga représentent à notre avis le plus heureux effort fait par les Japonais pour adapter leur fabrication à nos usages. Le fond blanc disparaît presque entièrement sous des ornemens d’or et d’un beau rouge pourpre. Au lieu de grands ramages qui nous offusquent sur le nagasaki, de petites figures, d’une délicatesse et d’une variété inouïes, sont encadrées dans des médaillons en forme de losanges, de carrés, d’éventails, jetés comme au hasard sur la panse des vases, sur le bord des assiettes, sur le couvercle des théières. Ce genre de décoration convient à merveille aux objets de faible grandeur ; il n’est rien de plus délicieux qu’une théière minuscule en kanga. Les grands plats, les soupières, les grosses jarres, s’accommodent moins bien de ces dessins ténus, et c’est une faute d’en vouloir composer des services de table complets ; mais on en pourrait faire de charmans services à thé ou à café en modifiant la forme malheureuse des tasses.

Qui n’a entendu parler du vieux satzuma ? Hélas ! le vieux satzuma, cette faïence teintée d’un blanc jaunâtre si doux à l’œil des amateurs et diaprée d’enjolivures si délicates, le vieux satzuma n’est plus. Quelques échantillons prêtés par la province originaire, et placés sous une vitrine, semblent destinés à faire ressortir l’infériorité des produits actuels. Les vases modernes, d’une pâte moins belle et d’un craquelé moins régulier, diffèrent aussi par les sujets. Ce sont aujourd’hui des personnages légendaires, les dieux, surtout les saints du bouddhisme, les djin-roku-rakkan, qui défraient