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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/593

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ingénieurs ; il faudrait encore introduire un régime légal plus libéral et plus éclairé, favoriser l’initiative des particuliers, et contrôler leur activité sans la paralyser. Il faudrait surtout faire appel à de grands capitaux, et, comme on ne peut compter sur les prêteurs indigènes, s’adresser aux capitalistes étrangers. Il importerait donc de donner à ces bailleurs de fonds indispensables des garanties sérieuses, dont la première serait naturellement le droit de veiller à la gestion et de participer aux bénéfices des mines, au lieu de les écarter, par une législation défiante, de toute ingérence dans la direction et la propriété. Sans le concours pécuniaire de l’Occident, sans les lumières de ses administrateurs, plus rares encore et plus nécessaires ici que les talens de ses ingénieurs, l’exploitation des mines ne peut être menée à bonne fin. Or la raréfaction des monnaies et des produits échangeables impose au Japon la nécessité de se hâter. Féconde ou non, il faut du moins sonder cette source le plus tôt possible et en retirer sans retard ce qu’elle est susceptible de donner. L’urgence est d’autant plus grande qu’il s’agit de prendre les devans sur la Chine, qui commence déjà à mettre au jour les richesses, peut-être immenses, de son sous-sol, et s’est mise en devoir d’exploiter, avec le secours étranger et à la faveur de ses grands cours d’eau si commodes pour les transports, les mines de charbon de K’aïping, au nord-est de Tientsin, et celles qui avoisinent le grand centre manufacturier de Hankow sur le Yang-tse-kiang.

Résumons en terminant l’impression qui se dégage de notre excursion à travers l’extrême Orient. Lorsque deux contrées aussi reculées que la Chine et le Japon, aussi longtemps fermées à toute exploration, et refusant encore aujourd’hui, sauf exceptions, l’accès de leur territoire aux étrangers, viennent prendre à une exposition universelle la place qui leur est libéralement offerte, c’est à charge de fournir à l’Europe, sur leurs institutions, leurs industries, leur richesse, les mêmes éclaircissemens que leurs envoyés recueillent dans nos villes hospitalières, avec le concours empressé de tous nos fonctionnaires. Si de grands pays voisins, comme l’Angleterre, peuvent se contenter de nous envoyer quelques échantillons des marchandises qui les font vivre, mêlés à beaucoup d’articles de luxe, sans pour cela risquer d’induire en erreur un public familier, ni se faire taxer de travestir en brocantage une grande manifestation économique, des pays lointains et encore mal connus se font tort à eux-mêmes en n’intéressant le public qu’à de jolis travaux d’un placement facile, mais sans réelle importance. La Chine s’est attiré ainsi une fâcheuse mésaventure : tandis qu’en effet son infériorité esthétique à l’égard de ses voisins frappe tous les yeux, rien ne nous avertit de son immense supériorité économique ; rien ne nous