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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/625

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marbre ou dans leur bronze. Les statues italiennes sont trop précieuses et trop léchées, elles pèchent par l’afféterie. La statuaire française n’est pas trop habillée, et elle n’est pas non plus déshabillée, elle recherche la chasteté du nu ; elle n’est pas trop grasse, et personne ne peut lui reprocher d’être trop maigre ; elle n’est pas précieuse, et cependant elle ne néglige point le détail ; elle sait jouer quand il le faut, mais elle se défie du joli, du mignard, des bagatelles tourmentées et laborieuses ; elle sait que « le ciseau, déposant la pensée de l’artiste dans une matière rebelle et d’une éternelle durée, doit avoir fait un choix original et peu commun. »

Le succès de la peinture française au Champ de Mars serait bien plus grand encore, si le jury avait été plus sévère ou plus impartial dans ses choix, plus attentif à séparer l’ivraie du bon grain, s’il n’avait eu en vue que l’honneur national, s’il l’avait moins sacrifié aux petites considérations et aux petites passions des petits amours-propres. Le catéchisme nous enseigne que nous avons trois sortes de devoirs à remplir, des devoirs envers nous-mêmes, envers le prochain et envers Dieu. Personne ne reprochera à messieurs les jurés de n’avoir pas rempli scrupuleusement leurs devoirs envers eux-mêmes ; on ne les accusera pas non plus d’avoir négligé leur prochain, si l’on entend par là cette portion de leur prochain qui se compose de leurs amis et des amis de leurs amis. Peut-être aussi ont-ils pensé s’acquitter envers Dieu en ouvrant à deux battans les portes des salles françaises à certains tableaux de sainteté. Malheureusement la peinture religieuse laisse aujourd’hui beaucoup à désirer ; le sérieux, l’inspiration, l’originalité, lui font défaut. En rendant compte du salon de 1843, Henri Heine se plaignait que les tableaux d’histoire sainte qu’on y rencontrait à chaque pas rappelaient trop « la boutique marchande et la mesquinerie épicière. » Il en voulait surtout à un grand tableau auquel on avait assigné une place d’honneur et qui représentait la fustigation. « La figure principale, disait-il, ressemble avec sa mine douloureuse au directeur d’une entreprise financière en déconfiture, qui se présente devant ses actionnaires afin de leur rendre ses comptes. Ces derniers sont aussi reproduits sur la toile sous la forme de bourreaux et de pharisiens, qui sont terriblement courroucés contre l’Ecce homo, parce que, selon toute apparence, ils ont perdu énormément d’argent sur leurs actions. » Nous n’avons découvert au Champ de Mars aucun Ecce homo qui réponde à ce signalement ; mais nous y avons aperçu des saintes Vierges fort bien faites, qui n’ont de divin que l’énorme auréole dont elles sont affublées ; leurs traits souffrans, leur, physionomie maladive n’expriment, à le bien prendre, que l’immense ennui qu’on a éprouvé à les peindre. Un dieu difforme peut