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désappointement vous prend, et que, résumant votre opinion sur ce musicien accompli qui joue de l’orchestre tanquam potestatem habens, vous ne pouvez vous empêcher de porter à part vous ce jugement : Tout cela est merveilleusement dit, mais tout cela valait-il la peine d’être dit ? L’ouverture de Zampa, au terme d’une pareille séance, c’était l’oasis sous les palmiers, la source vive et la manne au désert.

Quelqu’un a prétendu que rien n’est plus difficile que d’avoir du talent et plus facile que d’avoir du génie, deux qui voudront éprouver ce que ce mot contient de vrai n’auront besoin que d’entendre l’éblouissante symphonie d’Hérold au sortir du sombre et laborieux mélodrame de M. Lalo. Faisons trêve aux comparaisons et contentons-nous de mettre le chef-d’œuvre à sa place. Il semble chez nous, quand on parle d’ouvertures, qu’il n’y ait que les Allemands pour en écrire. Nous avons dans ce genre des morceaux de premier ordre auxquels nous marchandons l’estime et les honneurs qu’ils méritent, et que les autres pays leur accordent. L’ouverture de Zampa, l’ouverture de la Muette, passent encore aux yeux d’un certain public de conservatoire pour des œuvres d’une valeur toute relative, bonnes pour le théâtre et les orchestres en plein vent, admissibles même aux concerts Colonne et Pasdeloup, mais qui décemment ne sauraient figurer sur un programme de la rue Bergère. « Cela n’est point assez écrit, ce n’est pas le style de l’endroit, » vous répètent ces aristarques judicieux qui demain adresseront les mêmes reproches à telle pièce transportée du Gymnase à la rue Richelieu, et vous diront que le Demi-Monde et le Gendre de M. Poirier « ne sont point Théâtre-français ! « Heureusement que, si la société des concerts du Conservatoire affecte d’ignorer ces compositions de nos maîtres nationaux, tout le monde en Europe ne partage pas ce fier dédain, et d’orchestre de la Scala vient de le prouver.

On sait le mouvement qui depuis quelques années entraîne l’Italie vers la culture allemande. A Milan comme à Florence, Goethe et Heine sont aujourd’hui plus populaires que Béranger et que Musset, et la musique ne devait pas être la dernière à profiter de cette évolution. Tant que dura le règne de l’Autriche ! , c’était à qui referait d’entrer en communication avec une littérature qui parle la langue des tyrans, avec un art qui proclamait leur génie ; mais depuis que les Italiens sont devenus les maîtres chez eux, la haine politique ayant cessé, les rapports intellectuels ont repris, et sur cette race, la plus musicalement douée de la terre, une brise symphonique a soufflé du nord. Les Italiens n’avaient en cela qu’à se ressouvenir, car, si de tout temps ils eurent le secret de la mélodie, il fut aussi pour eux une illustre et classique période de science jet de tradition, et les descendans directs de Rossini, de Bellini, de