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On sait que la hauteur d’une note dépend seulement du nombre plus ou moins considérable de ses vibrations par seconde. Il est facile de mettre à profit cette loi physique pour obtenir du phonographe la transposition d’une phrase musicale dans un ton quelconque. Il suffira en effet de donner au cylindre un mouvement de rotation rapide pour faire passer un grand nombre d’aspérités devant le style dans un temps donné. Au contraire une rotation lente n’ébranlera la membrane qu’à des intervalles de temps relativement espacés. Dans le premier cas, les notes fournies par l’instrument seront hautes, et dans le second cas elles seront plutôt graves. Ces considérations servent à expliquer une expérience élégante et facile à réaliser : que l’on fasse chanter une romance dans l’appareil par une voix de basse ou de baryton ; puis, lorsque c’est au tour du phonographe à répéter la romance, que l’on donne une grande vitesse de rotation au cylindre : la voix de basse se sera transformée en voix de soprano. Inversement, une voix de femme peut devenir une voix d’homme par l’expérience contraire, si l’on donne à la feuille d’étain un déplacement plus rapide pendant l’inscription que pendant la répétition. Nous voyons par là qu’un phonographe sur lequel l’accompagnement d’un chant serait gravé pourrait servir à accompagner un chanteur dans le ton qui s’adapterait le mieux à sa voix. Mais ce n’est pas tout. « Le phonographe, dit encore Edison, est capable de fournir de l’inspiration à un compositeur fatigué. Sans se donner aucune peine, sans chercher à se mettre en frais d’imagination, celui-ci chantera des airs connus devant l’embouchure de l’appareil. Puis il fera tourner le cylindre au rebours de l’ordinaire. A coup sûr, il entendra du nouveau. L’envers de certaines broderies présente quelquefois des motifs d’ornementation auxquels l’endroit n’aurait pas fait songer ; si quelqu’un regarde l’envers de toute la musique déjà connue, il se trouvera peut-être là des sujets de développement, peut-être même des sujets tout développés. » C’est l’invention de la musique à deux fins ! Bien d’autres applications moins fantaisistes que les précédentes pourraient s’imaginer facilement ; mais il faudrait peut-être attendre les nouveaux perfectionnemens que l’ingénieux inventeur ne peut manquer d’ajouter à sa découverte pour s’abandonner à des rêves aussi séduisans. Tel qu’il est, le phonographe pourrait incontestablement servir à faire prononcer quelques phrases aux jouets d’enfant, à faire dire l’heure aux pendules qui jusqu’ici n’ont pu que la sonner ; mais il faut se borner là jusqu’à nouvel ordre.

A la première nouvelle de l’apparition du phonographe, bien des esprits avaient songé à le substituer aux sténographes des assemblées. Malheureusement la nécessité où l’on se trouve d’appliquer