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moment « deux conventions d’une très grande importance entre l’Italie et l’Allemagne. » On aurait été déjà d’accord sur les points principaux, il n’y avait à régler que des détails accessoires. De tout cela qu’est-il resté ? Il ne reste rien, ni la protection de la Grèce, ni le patronage de la Roumanie, ni l’Albanie, ni « ce qui ne serait pas l’Albanie, » et c’est pourquoi M. Crispi a choisi le moment où le comte Corti revenait de Berlin sans rien rapporter pour laisser éclater ces indiscrétions frivoles sous les pas d’un ministère embarrassé de ses propres connivences dans toutes les agitations.

Non, assurément, le comte Corti n’a rien rapporté et ne pouvait rien rapporter de Berlin. Il n’est rien resté des prétendues combinaisons de M. Crispi, parce qu’il n’y a jamais rien eu, La gauche italienne, qui est une si vieille et si bonne alliée pour M. de Bismarck, n’a qu’à tenter l’expérience, elle n’a qu’à demander Trieste au chancelier ; elle sait bien elle-même quelle réponse elle recevrait, ce que vaudrait l’alliance allemande. Elle ne peut pas ignorer que le jour où la question s’élèverait, ce n’est pas avec l’Autriche qu’on aurait à se débattre, c’est l’Allemagne tout entière qu’on rencontrerait sur son chemin. Ce n’est donc qu’une agitation puérile ou dangereuse qu’on vient de soulever ou d’encourager en laissant croire à toute sorte de compensations possibles. Les hommes sérieux au-delà des Alpes ne méconnaissent pas sans doute l’importance qu’il y a pour l’Italie dans tout ce qui se passe sur l’Adriatique, sur la Méditerranée, en Orient, dans tous ces bouleversemens de territoires et de dominations. Ils suivent d’un œil attentif et vigilant des événemens faits pour affecter toutes les situations, et eux aussi, plus que tous les autres, ils ont le juste sentiment de l’influence légitime, utile que l’Italie pourrait exercer dans certaines circonstances, dans certaines conditions où l’Europe pourrait se trouver placée ; mais en même temps ils savent qu’il n’y a pas à montrer du dépit parce qu’on n’a rien reçu dans un congrès, que leur pays n’a aucun intérêt à se créer des questions inopportunes, à poursuivre de prétendues compensations qui ne seraient que des excentricités ou des chimères, à favoriser des agitations factices qui ressembleraient à des défis pour d’autres puissances. Les hommes réfléchis et patriotiquement prévoyans au-delà des Alpes sont surtout pénétrés de la nécessité pressante qu’il y a pour l’Italie à coordonner sa politique au début d’un nouveau règne, à équilibrer ses finances, à fortifier son crédit, à multiplier les travaux utiles. Il y a peu de jours encore, dans une discussion parlementaire des plus sérieuses à propos du budget et de la réduction de l’impôt sur la mouture, un des hommes les plus éminens, les plus expérimentés de l’Italie, M. Sella prononçait un discours plein de force, d’éloquence, de raison vigoureuse et de verve persuasive. Il cherchait à prémunir contre tous les entraînemens un