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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/724

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parlement assez novice, mal défendu par son inexpérience, peut-être aussi assez faiblement dirigé par un ministère sans initiative ; il s’efforçait de démontrer le danger de ce système qui consiste toujours à dépenser sans compter, à prodiguer les ressources publiques et à supprimer ou à diminuer des impôts parce qu’ils sont gênans ou impopulaires. On va ainsi à d’inévitables désastres. M. Sella ne parlait pas en chef de parti disputant le pouvoir au ministère de M. Cairoli, il a commencé par désavouer toute intention d’hostilité ; il parlait en homme d’état exercé, en patriote avertissant le pays, le parlement, les partis abusés.

L’Italie n’a pas de politique plus simple, plus efficace que de suivre ces conseils, de S’occuper de ses affaires au lieu de se jeter dans des diversions décevantes où elle ne trouverait ni ses alliances naturelles, ni les complicités sur lesquelles elle compte peut-être trop, ni les sympathies que le monde libéral ne lui a pas ménagées dans les crises de sa transformation nationale.

Que d’autres poursuivent d’apparentes compensations ou se hâtent de saisir des gages au milieu de ces événement qui se déroulent sous nos yeux, pour lesquels le Congrès de Berlin n’est qu’une étape, on ne peut pas trop s’en étonner. C’est tout simple ; l’Angleterre et l’Autriche sont plus engagées que l’Italie ou que la France. Elles prennent position, elles acceptent la responsabilité d’une politique plus active qui avec ses avantages a certainement ses périls. L’essentiel est que dans leurs actes les puissances qui se croient obligées d’aller en avant, de faire plus que nous, ne nous atteignent pas, et après les déclarations aussi cordiales qu’empressées de lord Beaconsfield, de lord Salisbury, on ne peut mettre en doute, que l’Angleterre n’ait eu la constante préoccupation de ménager les intérêts, même les susceptibilités de la France. Est-on allé plus loin vis-à-vis de notre gouvernement ? La France aurait-elle reçu l’offre de ce qu’on appelle aujourd’hui une compensation ? L’aurait-on par hasard transportée, elle aussi, selon le mot de lord Beaconsfield, sur quelque haute montagne d’où on lui aurait montré les royaumes de ce monde ? Pour parler plus simplement, aurait-il été récemment question de Tunis ? Si l’offre a été faite sous une forme quelconque, plus ou moins précise, plus ou moins intime, elle a dû certainement être déclinée par M. Waddington à Berlin, comme à Paris par le gouvernement tout entier. Si enviable que puisse être Tunis, le crédit et l’influence de notre pays ne sont point à ce prix, et notre diplomatie n’a pas eu sans doute un grand effort à faire pour résistera la tentation. De toutes les puissances européennes, la France, sans offenser personne, est peut-être celle qui est allée à Berlin avec la plus complète indépendance d’esprit, avec ce que nous appellerons une sérieuse préméditation de désintéressement. Elle savait d’avance qu’elle était hors