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divergens, le teint blême, le crâne dénudé et fuyant, il ressemblait à une poule d’eau. Fort remuant néanmoins, agité dans son propre vide, il croyait à son génie universel et n’avait jamais réussi à rien. Il était bien près d’atteindre sa quarantième année, lorsqu’il se déguisait en général en se coiffant d’un képi surchargé de galons, et il avait alors essayé bien des métiers dont il s’était dégoûté ou qui s’étaient dégoûtés de lui. Il n’y eut jamais grande affinité entre lui et le travail régulier ; ils se fuyaient instinctivement. Il avait débuté par être garçon d’écurie à Saint-Germain, puis il s’était engagé et, parvenu au grade de sous-officier dans les voltigeurs de la garde impériale, il avait été employé aux écritures, dans les bureaux de l’intendance. Il fut licencié en 1864 et devint commis voyageur en librairie et, quelque temps après, en ornemens d’église et en imagerie religieuse ; ce qui est un singulier début pour un futur général de la commune. Dans un des voyages qu’il fit en Belgique pour placer des objets de sainteté, il contracta des dettes à son hôtel de Bruxelles, ne put les payer et laissa simplement ses échantillons en nantissement. On croit que c’est en Belgique, en fréquentant les estaminets de la propagande intransigeante et de la politique irréconciliable, qu’il se pénétra des doctrines dont la commune fut la plus haute ou la plus basse expression. On dit qu’il fut typographe, qu’il essaya d’être peintre, d’être comédien, qu’il fut même marchand de contremarques, comme Hébert le grand ancêtre, et que parfois il versait quelque prose dans les égouts de la Marseillaise ; on dit aussi qu’employé dans un magasin de modes à Bruxelles, il aurait été condamné à trois mois de prison pour escroquerie. Le rôle qu’il joua pendant la commune est de nature à justifier toutes les accusations dont on a chargé son passé.

Pendant le siège de Paris par les Allemands, Bergeret appartint au 83e bataillon de la garde nationale en qualité de sergent et bientôt de capitaine. Le 31 octobre ne le laissa pas insensible, et il fit tous ses efforts pour s’y associer. Il appartenait à l’Internationale, ce qui lui constituait une certaine supériorité qu’il sut faire valoir pour être nommé délégué de son bataillon aux assemblées préparatoires de la fédération de la garde nationale. De là à être membre du comité central, il n’y avait qu’un pas qui fut promptement franchi. Au 18 mars, le comité central lui donna mission de défendre la butte Montmartre ; grâce à la défection des troupes envoyées pour reprendre les canons, cette journée fut le triomphe de Bergeret, auquel elle valut d’emblée le grade de général. Là s’arrêtèrent ses succès, car l’armée française, revenue de l’énervement produit par ce que M. Thiers à appelé la fièvre obsidionale, reprenait sa cohésion, retrouvait son ancienne vigueur et ne levait plus la crosse en l’air. Un moment il fut chargé de toutes les opérations militaires et put se