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et mille bijoux de filigranes qui mériteraient, comme ceux de Gênes, le nom de mousse d’argent.


II

L’Angleterre occupe au Champ de Mars près du quart de la superficie du terrain concédé aux nations étrangères. Elle a donc dû remplir par une suite de divers édifices la vaste façade de son exposition. C’est d’abord un massif pavillon carré, construit tout en terre cuite, percé à ses deux étages d’étroites fenêtres et décoré de pilastres et d’ornemens sculptés. Au-dessus d’un entablement en saillie, soutenu par des consoles, s’étend un toit plat qui forme terrasse. Tel est le spécimen de ce style que de l’autre côté de la Manche on appelle le néo-saxon. Une autre construction, également en terre cuite, rappelle le style gothique anglais par ses baies ogivales à rosaces rayonnantes et à bourrelets couverts de sculptures ; c’est un peu lourd, mais non point sans grâce. Le style de la reine Elisabeth est représenté par un palais de pierre et de brique, dont le faîte, chargé de frontons capricieux et de lucarnes à hauts chambranles, forme sur l’horizon une ligne dentelée. Au centre de l’édifice, qui prend ses jours par de larges fenêtres à croisillons de pierre, s’ouvre une monumentale porte en plein cintre. A l’intérieur, on aperçoit, au milieu d’une salle à manger ornée de tapisseries et de lambris renaissance, une table toute servie, garnie de vaisselle plate et de cristaux. Plus loin s’élève une maison bourgeoise de plâtre et de bois, comme on en construisait tant à Londres du XVe au XVIIe siècle : pignon aigu, étage surplombant, charpentes apparentes, grandes verrières à mailles de plomb. Un cottage à bay-window en encorbellement, du temps de Georges III, clôt cette curieuse série des types de l’architecture anglaise.

Après avoir longtemps prisé au-dessus de tout le confort des meubles, l’Angleterre est tombée dans un autre extrême. Elle dédaignait le style, elle ne vise plus qu’au style, et au détriment de.la commodité. Ses préférences en effet ne sont pas pour le Louis XIV, le Louis XV, le Louis XVI, qui ont su, en adoucissant les angles, en diminuant les saillies, en arrondissant les profils aigus, prêter des formes familières, coquettes et gracieuses à tous les meubles ; c’est dans le XVIe siècle, le XIVe siècle et jusque dans l’époque byzantine qu’elle va chercher ses modèles. Tout ce mobilier gothique, bahuts, crédences, dressoirs, hautes armoires, tables massives, chaises à haut dossier sculpté, sont mieux à leur place après tout dans une salle de musée ou dans une sacristie que dans un salon ou dans une chambre à coucher. En outre, si l’ébénisterie anglaise emploie