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IV

De tous les ouvrages de saint Paulin, il ne nous reste à étudier que les poèmes où il célèbre la fête de saint Félix. Tous les ans, quand revient cette fête, le peuple des villes et des campagnes voisines arrive au tombeau du saint, les mains pleines de présens, Paulin apporte des vers. Les anniversaires se succèdent sans lasser jamais sa piété ou épuiser sa verve. Aussi les poèmes qu’il a composés à cette occasion, et qui portent le nom de Natalia ou Natalicia, forment-ils une partie considérable de son œuvre. On en a conservé treize pièces entières qui contiennent près de cinq mille vers : c’est beaucoup pour un sujet qui ne change pas ; mais Paulin a su le varier en mêlant au récit de la vie et des miracles de saint Félix la peinture du bonheur qu’il éprouve à vivre auprès de lui. Malgré quelques longueurs et des redites inévitables, la lecture de ces poèmes est pleine d’intérêt ; on y trouve des détails curieux sur l’histoire du temps et un tableau animé de la dévotion populaire.

Quel était donc le puissant attrait qui amenait saint Paulin des rives de la Garonne au tombeau de saint Félix ! Au premier abord on a quelque peine à le deviner. Saint Félix était un simple prêtre de Nole qui, pendant les persécutions, avait bravé les ennemis de l’église. Son histoire était restée assez incertaine, et il semble que les martyrologes officiels ne s’en occupaient guère, puisqu’il est impossible de savoir à quelle époque il a vécu ; mais le peuple, on ne sait pourquoi, en avait gardé un vif souvenir. Dans toute l’Italie méridionale, on le regardait comme un des saints dont le secours est le plus efficace ; les pauvres gens surtout l’invoquaient avec confiance, et la tradition avait successivement accumulé sur lui toute sorte de miracles avec une libéralité qui effarouche un peu Tillemont. C’était donc dans toute la force du terme un saint populaire, et l’on ne comprend pas facilement qu’un lettré, un homme du monde comme Paulin, au lieu de choisir quelque grand évêque ou quelque docteur célèbre, se soit senti de préférence attiré vers ce prêtre obscur.

Ce qui, je crois, explique tout, c’est qu’on l’avait conduit, pendant qu’il était encore un enfant, dans la petite basilique où le saint reposait. Il avait vu l’affluence des visiteurs le jour de sa fête, les miracles qui s’opéraient par son intercession puissante, et les élans de piété naïve auxquels s’abandonnait l’assistance. Il a raconté, longtemps après, l’impression qu’il en avait reçue. « De tout mon cœur, dit-il au saint, je me livrai à toi, et à ta lumière j’appris