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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/803

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l’invention qui fait défaut. Les plus beaux fers sont ceux qui sont copiés trait pour trait sur les reliures anciennes. Quant à ces reliures à croisillons de mosaïques surchargés d’or, qu’on ne peut d’ailleurs pas accepter tout à fait comme une innovation, elles ne nous paraissent pas dignes du maître relieur qui les a signées. La reliure n’a guère trouvé une voie nouvelle que dans les demi-reliures jansénistes et dans ces simples et proprets cartonnages de percaline, imités des cartonnages anglais, mais qui ont perdu sous la main de relieurs français leur lourdeur et leurs ornemens de mauvais goût. Les livres ainsi reliés ont un avantage inappréciable : ils s’ouvrent, — ce à quoi se refusent absolument les volumes reliés en maroquin par les plus habiles artistes et même par celui que des bibliophiles trop exclusifs reconnaissent pour le maître des maîtres.

Seule des anciennes fabriques de porcelaines de Chine, du Japon, de Saxe, de Vienne, la manufacture de Sèvres est restée digne de son passé. Elle a subi, il est vrai, pendant plus d’un demi-siècle, depuis le commencement du premier empire jusque vers le milieu du règne de Napoléon III, une fâcheuse influence qui lui imposait des formes pompeuses et guindées et qui lui faisait multiplier tant de vases et de services de mauvais goût. C’est à cette période qu’appartiennent ces vases monumentaux bleu-de-roi décorés de bouquets de fleurs crus ou, ce qui est pis encore, de copies léchées de tableaux de maîtres, et ces services analogues à celui qu’on conserve précieusement au palais de Fontainebleau où sont reproduites toutes les vues des monumens de France. Mais aujourd’hui la manufacture de Sèvres est revenue à un sentiment plus juste de l’art décoratif. Les formes, sans perdre les lignes du grand style, se sont assouplies, les émaux brillent de tons superbes et variés, les décors pleins de grâce, de goût et d’imprévu, s’approprient bien à leur destination. Parmi ces vases, ces aiguières, ces potiches, ces cornets en camaïeu, en couleur ou monochromes, on remarquera surtout ces grands vases allongés où de sveltes figures de femmes drapées, rapportées en pâte, s’enlèvent en blanc lacté sur un fond vert tendre ou céladon. Il est de mode de se pâmer d’aise devant ces services de table unis ou relevés d’un simple filet d’or. Certes la pâte est d’une finesse, d’une légèreté, d’une transparence qu’on ne saurait égaler, mais rien n’est aussi antidécoratif qu’un pareil service. Nous préférerions presque les grossières assiettes à coqs des fabriques lorraines. Les décors de Sèvres sont imités avec succès par les manufactures de Vierzon. L’école d’application des écoles municipales de Limoges imite avec plus de succès encore le vieux saxe. Ce service à fleurs ferait, comme les histoires de Mme de Maintenon, oublier le rôti. Il y a aussi des groupes mythologiques et de coquettes