Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/802

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

juxtaposition hardie dont se jouent les Japonais et aussi la nature, qui a créé le plumage des perroquets et qui a mis la verdure des arbres sous l’azur du ciel.

À défaut de soieries et de tapisseries, il y a pour la tenture des murs ces admirables papiers peints dont la fabrication a fait de tels progrès depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui les papiers peints imitent à miracle les cuirs mordorés, gaufrés et repoussés de Cordoue et des Flandres, les velours frappés ou brochés, les lampas aux nuances changeantes, les brocarts d’or, les tapisseries à sujets du XVe siècle, les belles verdures du XVIIe siècle, les revêtemens de stuc et de marbre et les appliques de faïences. C’est, à la vue, la même richesse de ton, la même intensité de couleur, comme au toucher c’est le pelucheux du velours, le relief du cuir estampé, le luisant de la soie, le grenu de la tapisserie, le froid et le poli de la faïence. En leur genre, les grands rideaux de tulle brodé des manufactures de Tarare sont aussi des œuvres d’art, encore qu’il y figure trop de vastes compositions mythologiques dont l’ordonnance doit être infailliblement dérangée par les plis qui couperont Vénus en deux et qui armeront Apollon du foudre de Jupiter. Dans toutes les branches de l’art industriel, on constate cette fâcheuse tendance à empiéter sur les beaux-arts, à reproduire des sujets qui n’appartiennent qu’à ceux-ci. Mettez donc sur vos rideaux, sur vos tapis, sur vos tentures tous les motifs d’ornementation inventés depuis trois mille ans, transportez-y la flore des deux mondes, mais laissez aux peintres la figure humaine. À côté de ses rideaux blancs, Tarare expose des rideaux de tulle de couleur, rouge, brun, bleu, noir, richement brodés en soie de fleurs, d’arabesques, d’oiseaux, et malheureusement aussi de figures. Les méplats du visage, déjà si difficiles à exprimer avec la mosaïque à petits points de la tapisserie, sont impossibles à rendre avec la broderie à points longs, à la mode chinoise, du tulle brodé. C’est pourquoi les Chinois ! qui ne sont pas aussi Chinois qu’ils le paraissent, plaquent des têtes d’ivoire peint sur les corps de leurs petites figures de soie.

Une des rares industries où la France n’ait pas eu à prendre quelque leçon de l’Orient pour le luxe et le goût du décor, c’est la reliure, qu’elle a élevée à la hauteur d’un art. Dans ces reliures à compartimens d’entrelacs imitées du XVe siècle, dans ces reliures à petits fers imitées du XVIIe siècle et dans ces reliures à larges dentelles imitées du XVIIIe siècle, nos relieurs font de vrais chefs-d’œuvre. Par le beau travail de la peau, la grâce et la netteté des dorures, l’assemblage soigneux des feuilles, ils égalent s’ils ne surpassent les modèles des Le Gascon et des Derôme. Mais Là comme dans toutes les branches de l’art industriel contemporain, c’est