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Quand on voyage en France, — le pays de l’Europe qui est peut-être le moins connu des Français, — chaque ville réserve sa surprise ! Comme monumens, comme musées, comme ruines, on croyait avoir tout vu et on s’aperçoit qu’on a encore tout à voir. A Lille, c’est une tête de cire unique au monde, à Caen, c’est le Mariage de la Vierge, à Arles, c’est le cloître de Saint-Trophyme, à Orange, c’est le théâtre antique. Il en est de même dans une visite à la section française de l’exposition. On a parcouru tant de galeries et tant de travées qu’il semble qu’on n’ait plus qu’à s’en aller, et cependant combien d’objets, d’industries entières même ont échappé aux regards ! Nous avons parlé du mobilier, mais avons-nous parlé du mobilier d’église ? L’omission ne serait point grave si les fabricans de Lyon, de Reims et du quartier Saint-Sulpice n’exposaient que ces autels d’albâtre d’un pseudo-roman, ces chaires de bois sculpté d’un gothique hétérodoxe, ces abominables statues peintes et ces affreux chemins de croix qui excuseraient une nouvelle persécution iconoclaste ; mais ils exposent aussi de beaux retables Louis XIV de bois doré, un curieux tabernacle montant en forme de Jérusalem, céleste, un autel de marbre blanc, mosaïque de marbres polychromes, imité du style byzantin, un baptistère roman sculpté dans la pierre, et un banc de chapitre très fouillé d’un gothique lancéolé. Nous avons parlé des céramiques, mais avons-nous parlé de la verrerie et de la cristallerie ? Or ces services de table taillés à facettes ou décorés de légers dessins gravés à l’acide fluorhydrique, ces grands miroirs à cadres en biseaux, ces lustres dont l’armature est heureusement déguisée sous les pendeloques et les chaînettes de cristal, ces torchères, ces girandoles, ces appliques, ces candélabres étincelans, cette glace colossale de Saint-Gobain, d’une superficie de 26 mètres, méritent bien description et éloge. On prisera moins ces verreries émaillées et cristallisées et surtout ces verreries opaques à décors de couleur. La beauté du verre est sa transparence ; pourquoi s’efforcer de lui donner l’opacité du kaolin ? Au centre de l’exposition des verreries, la fabrique de Baccarat brille comme un pur diamant. Sous une voûte de stalactites formée par les mille cristaux des lustres s’élève un grand kiosque de cristal à colonnes corinthiennes, ou, à parler mieux, une sorte de monument choragique analogue à la Lanterne de Démosthène, qui dépasse par l’éclat et par la beauté tous les tableaux d’apothéose des féeries.

L’art de ceux qu’on appelait autrefois « les gentilshommes verriers, » qui soufflent, taillent, polissent et ornementent le verre, conduit naturellement à l’art des peintres verriers qui colorent le verre dans la masse ou le peignent avec des couleurs vitrifiables