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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/806

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appliquées au pinceau et cuites à la moufle. A l’exposition, les vitraux des églises et des maisons, les verrières des transepts et les baies des escaliers, occupent une galerie entière. Ils sont variés de dimension et de couleur, de style et de sujets. Ici c’est un vitrail byzantin où se groupent des apôtres et des pères de l’église dans des robes raides d’or et pavées de pierreries ; là c’est un vitrail roman dont la large bordure de fleurons en feuille de chou et d’animaux du bestiaire encadre des figures gauches vêtues d’accoutremens barbares. Plus loin c’est une grande verrière gothique à compartimens, que circonscrivent des rainures de plomb, qui représente les principales scènes de la Passion. Au centre de cette rose multicolore, étincelante comme un kaléidoscope, la colombe mystique déploie ses ailes ou la sainte face se nimbe d’un cercle d’or. Dans ce vitrail de baie monte l’arbre, des sibylles. Dans ces médaillons se dessinent des têtes de saints ou de prophètes, interprétées avec la lourdeur romane, la convention byzantine ou la naïveté gothique. C’est là ce qui convient aux vitraux. Au contraire, ces stations de la croix « accommodées au goust de ce temps, » où les plis des draperies suivent les mouvemens du corps, où les ombres occupent leur place logique, où les plans sont marqués, où les fonds fuient dans la perspective, où les nus sont modelés avec vérité, presque avec réalisme, s’écartent tout à fait du principe même des vitraux. Quand on a demandé à Ingres et à Delacroix de dessiner des cartons pour les peintres verriers, nous pensons, quels que soient le respect et l’admiration que nous inspirent ces deux hommes, qu’on a obéi à une idée fausse. Une verrière n’est pas un tableau ; sous peine de perdre son caractère, il ne faut pas qu’elle y ressemble. La beauté des vitraux, c’est l’éclat des couleurs, la translucidité des émaux ; — les demi-teintes d’un modelé savant briseraient la lumière qui doit jaillir par grandes masses. — Leur caractère, c’est la convention des types hagiographiques, la naïveté de la composition, la simplicité des attitudes. Les maîtres contemporains ne sont point faits pour inspirer les peintres verriers, qui ne doivent copier que les Van Eyck et les pieux imagiers des psautiers. De même, pour les maisons modernes, il faut, si on ne veut des glaces unies, ces vitraux imités des vitraux allemands du XVe et du XIe siècle, où, coupés par les filets de plomb, se tiennent les varlets aux chausses mi-parties, les châtelaines aux robes armoriées, les reîtres aux mines truculentes et les chevaliers aux heaumes à plumail et à volets. On peut encore admettre ces vitraux à compartimens renaissance, bariolés de monogrammes compliqués et d’écussons à lambrequins ; mais on doit condamner tous ces anachronismes : motifs pompéiens et japonais, copies en camaïeu de