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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/856

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concessions faites à la nécessité politique, une occasion de présenter la royauté à la noblesse et aux populations avec tout ce qui pouvait la rendre imposante. Aussi ne laisse-t-il pas en ces circonstances de faire bonne contenance. Son entrée est certainement au nombre des plus brillantes. On ne porte pas à moins de douze mille chevaux son cortège dans cette circonstance. Lui-même, vêtu d’une robe blanche de satin, d’un pourpoint cramoisi et d’un chapeau découpé, comme on en portait alors, paraît devant le peuple, monté sur un cheval blanc, signe de la souveraineté, et les échevins portent un dais au-dessus de sa tête. Les échevins de Paris ont toujours eu dans ces solennités monarchiques un très grand sentiment de leur importance. En 1389, ils aiment la parade et font du zèle monarchique. Ils se mettent en frais d’imagination pour être agréables au roi. Ainsi ils eurent l’idée, dans cette circonstance, de faire présenter au prince par le hérault de la ville, nommé Cœur-Loyal, cinq belles dames, richement parées, montées sur leurs palefrois, et qui représentaient les cinq lettres de l’alphabet, formant le nom de Paris : idée ingénieuse qui ne figurerait pas mal dans la cérémonie du Bourgeois gentilhomme.

Parmi cette foule de princes, dont quelques-uns nourrissaient des desseins hostiles prêts à éclater en complots et en révoltes, parmi ces grands, dont plusieurs n’étaient pas sans crainte en venant à Paris, rien ne devait frapper plus la population parisienne que l’extraordinaire étalage fait sous toutes les formes par ce duc Philippe, si mêlé à toutes les affaires politiques, mais plus mêlé encore à tous les plaisirs de son temps. On sait combien la maison de Bourgogne dépasse alors en éclat même la cour de France. Ce duc semble n’avoir alors qu’un souci : aux fêtes en ajouter d’autres, renchérir sur toutes les magnificences, aller au-delà de tous les divertissemens. Louis XI a beau faire, il est éclipsé, et n’est pas homme à ne pas le sentir. On dirait souvent que c’est ce bon duc qui donne la fête, et que c’est aussi à lui qu’on la donne. Il est entouré d’hommages encore plus que le roi lui-même, auquel ne manquent pourtant pas plus qu’à d’autres ces sympathies qui accompagnent les avènemens. Le peuple s’approche de Philippe pour admirer la selle et le chanfrein du cheval ornés de diamans ; les habits du duc en sont brodés, la bourse qui pend à sa ceinture semble tissue de pierreries ; ces joyaux, il affecte de les changer tous les jours ; on les estime à plus d’un million en valeur de notre temps. Ses archers, richement équipés, son hôtel, qui déploie des splendeurs inouïes, ses belles tapisseries d’Arras, rehaussées de soie, d’argent et d’or, son prodigieux buffet, dont les gradins étaient couverts de la plus magnifique vaisselle, tout cela fait spectacle. On se rend en foule pour