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leurs personnes et leurs intérêts sous la protection des consuls installés dans les ports ouverts. Dans chacune de ces places, les Européens peuvent s’établir eux et leurs familles ; ils peuvent circuler de l’une à l’autre librement, sous la condition de se munir d’un passeport délivré par leur consul et de ne se livrer à aucun commerce clandestin dans les lieux intermédiaires. Ils peuvent également se rendre, munis de passeports, dans les villes de l’intérieur ; mais, en l’absence de cette autorisation, ils ne peuvent sortir du territoire restreint tracé autour de chaque settlement par l’autorité locale d’accord avec les consuls. Dans les villes qui leur sont affectées, ils peuvent louer des maisons ou affermer des terrains pour y bâtir eux-mêmes, mais ils ne peuvent détenir le sol qu’à titre d’emphytéose et non de propriété. Ils peuvent enfin s’entourer de domestiques, de comptables, d’interprètes indigènes. Leurs biens sont inviolables. Aucune coalition ne peut se former, aucune société privilégiée s’établir parmi les indigènes pour entraver la liberté du commerce ou lui imposer des prix arbitraires. Toutes les marchandises indigènes doivent circuler librement des villes de l’intérieur jusqu’aux ports ouverts. En échange de ces facilités, les navires doivent subir un droit de tonnage à leur entrée dans les ports, et les marchandises sont sujettes à des droits d’importation et d’exportation fixés par un tarif annexé au traité et d’ailleurs essentiellement perfectible ; ces droits une fois acquittés, les marchandises de provenance étrangère doivent circuler sans en subir de nouveaux, dans tout l’intérieur.

Tel est le régime général sous lequel vivent les étrangers établis en Chine et au Japon. On en comprendra mieux les conditions en regardant de plus près l’activité d’un seulement tel que Shanghaï, qui peut être choisi comme type. Jamais établissement n’eut des commencemens plus difficiles ; le climat malsain, les marécages qui entouraient la ville et bordaient le fleuve, menaçaient sans cesse la santé des Européens mal logés et mal nourris. Cependant l’essor pris par le commerce de la soie engagea les gouvernemens français, anglais et américain à demander des concessions, qui leur furent accordées par le gouvernement chinois. Par là il faut entendre qu’ils furent autorisés à louer à perpétuité, moyennant une redevance nominale, certains emplacemens, désignés pour chaque pays, et à s’y administrer à peu près librement. Il fallait absolument aux hommes de la race blanche cette faculté de se bâtir de vastes maisons, des rues larges et bien aérées, des squares, des quais où les navires pussent aborder facilement pour charger et décharger leur cargaison. Aussi la nouvelle ville sortit du sol comme par enchantement, et l’on vit au bout de quelques années une sorte de Londres, mieux aligné et moins brumeux, s’élever sur la rive du