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Hwang-pu, à côté du vaste et profond cloaque de la ville chinoise. Les Anglais et les Américains ne tardèrent pas à sentir l’avantage de fusionner leurs concessions et de les placer sous une autorité et une administration uniques. La France resta à l’écart, et s’administra séparément.

Le régime des concessions anglo-américaines d’une part et française de l’autre diffère autant que le tempérament des deux races et la forme des gouvernemens métropolitains : c’est la république chez nos voisins ; c’est chez nous l’absolutisme, qui régnait lors de leur établissement à tous les degrés de notre administration.

Les résidens anglo-américains nomment un conseil municipal, composé d’un président et de six membres, dont les pouvoirs sont annuels et renouvelables. C’est cette assemblée, responsable devant le corps électoral, qui vote et perçoit l’impôt, règle les dépenses, décide et accomplit les travaux publics, veille aux besoins de la voirie, de l’édilité et de la sûreté publique, au moyen d’un personnel qu’elle nomme et qu’elle solde. Le consul n’intervient absolument que pour opposer son veto aux mesures qui seraient contraires au traité, pour trancher les procès entre ses nationaux ou entre étrangers de nationalités différentes et pour régler au mieux soit les contestations entre Européens et Chinois, soit les difficultés entre la municipalité et le tao-tai (gouverneur) ou le vice-roi. Il n’est que le ministre des relations extérieures de la communauté. Quant à l’autorité chinoise, elle a sa part. Outre la perception de la rente foncière, représentant le loyer des terrains, elle peut lever des taxes, pourvu qu’il s’agisse de taxes communes à tout l’empire et non de perceptions locales et vexatoires ; elle doit apposer son sceau sur les transferts de terrains pour que ceux-ci constituent un titre de propriété valable ; enfin elle peut poursuivre les délinquans indigènes sur les concessions, pourvu que le mandat d’arrestation soit contre-signé par l’un des consuls.

Tout autre est l’organisation de la concession française. Ici, le conseil municipal est présidé par le consul lui-même et choisi par une assemblée de notables dont le consul arrête la liste ; il peut être suspendu (le cas s’est présenté) ; ses délibérations ne sont exécutoires qu’en vertu d’un arrêté du consul. C’est ce fonctionnaire qui nomme aux emplois municipaux et révoque les titulaires ; c’est lui qui veille à la sécurité sur la concession. Il joue le rôle d’un préfet ou d’un gouverneur de colonie ; il est responsable, non comme la municipalité voisine, devant des commettans appelés à juger quotidiennement sa conduite, mais devant le ministre de France confiné à Pékin et le ministre des affaires étrangères à Paris. On voit qu’au lieu d’une république cosmopolite, établie sur un terrain neutre, la France en ces parages couvre de son pavillon