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distinction de nationalité : là, et là seulement, ils peuvent louer des terrains et bâtir, mais à la charge de payer une rente annuelle au gouvernement japonais. Celui-ci restait même au début le seul administrateur de la concession ; c’était lui qui était chargé de la voirie, de la police, de la création et de l’entretien des rues, de l’arrosage et de l’éclairage. Les résidens essayèrent un moment sans succès de gérer eux-mêmes les affaires municipales. Il fut convenu en 1864 que les concessionnaires de Yokohama, formés en une sorte de syndicat, se chargeraient de tous les travaux urbains et y feraient face avec un prélèvement de 20 pour 100 déduit du montant des rentes foncières dues à l’état. Mais ce système, pour plusieurs motifs, fonctionna si mal qu’il fallut l’abandonner et demander aux Japonais de reprendre la direction municipale, qui rentra dans les attributions du gouverneur de Kanagawa. Les étrangers se contentèrent de placer à côté de lui un directeur municipal européen, qui veille sur leurs intérêts et porte leurs réclamations ou leurs desiderata devant l’autorité indigène. A cet effet, les étrangers se. réunissent dans des meetings où sont arrêtées les résolutions utiles. De cette façon, les charges municipales retombent de tout leur poids sur le trésor japonais, qui reçoit 57,000 piastres de rentes foncières et en dépense annuellement 70,000 pour la police et la voirie de Yokohama.

Il est juste de reconnaître que sous ces deux rapports les étrangers n’ont pas à se plaindre, que le gouvernement a assumé les travaux onéreux de dessèchement du swamp qui s’étend derrière Yokohama, et que si les rues du settlement ne sont pas éclairées au gaz comme celles de Benten, la ville japonaise, c’est plutôt par suite de la mauvaise entente des propriétaires européens que par la faute des autorités locales. Mais il ne faut chercher ici ni l’économie, ni la vigoureuse impulsion de l’administration européenne de Shanghaï. Tandis que les Chinois ne cherchent qu’à isoler les étrangers et à les laisser s’arranger entre eux comme ils peuvent, les Japonais ne perdent aucune occasion de réclamer la gestion des affaires mixtes, si onéreuse qu’elle puisse être pour leur bourse, si accablante qu’elle soit pour leur capacité. Yokohama est le principal établissement où ces questions aient une véritable importance, parce que c’est à la fois le point le plus fréquenté et celui où l’affluence étrangère a produit les plus grands changemens. A Osaka, la concession est presque déserte, le nombre des Européens s’élève à 44. Il est de 35 à Hiogo, où les maisons sans locataires tombent en ruine. Il atteint 234 à Nagasaki, où le petit îlot de Désima, en forme d’éventail, continue d’être le quartier réservé aux étrangers comme au bon temps des Hollandais. A Hakodaté, on compte 27 résidens, Seul Yokohama présente à la fois une population