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L’exploitation des filons produit beaucoup moins que celle des alluvions. Pour ceux-ci, on procède d’abord au lavage des sables aurifères des rivières, qui constituent les placers. Plus tard on attaque les dépôts plus profonds, souvent recouverts d’autres couches de terrains, les deep leads, et alors il faut employer les béliers hydrauliques inventés en Californie, qui exigent déjà d’immenses travaux pour amener la masse énorme d’eau qu’exige ce travail. Ce sont les alluvions qui ont produit presque tout l’or que nous possédons.. Si l’on prend les trente dernières années, on constate que 83 pour 100 de l’or en provient et 12 pour 100 seulement des filons. En ce moment, par suite de la richesse en or du Comstock lode, la proportion est différente : les filons produisent un tiers. C’est qu’en effet les placers s’épuisent vite. On les trouve dans les pays vierges ; mais aussitôt on s’y précipite de toutes parts. En peu de temps la production atteint son apogée ; puis elle décline peu à peu et enfin s’arrête quand tout le terrain est épuisé, ce qui n’a jamais beaucoup tardé. Les lavages de la Californie et de l’Australie ne donnent plus guère que le tiers de ce qu’ils livraient il y a vingt-cinq ans. Ceux de la Sibérie augmentent ; ils ont donné, en 1869, 113 millions de francs, et en 1872,131 millions ; mais c’est à la condition d’avancer sans cesse vers l’est. On est déjà arrivé ainsi jusque sur l’Amur. Sans doute il n’est pas improbable qu’on trouve encore de nouvelles alluvions aurifères dans des pays encore peu connus, notamment à l’ouest du Brésil, dans l’Afrique centrale et dans l’intérieur de l’Australie ; mais, le passé récent le fait prévoir, du moment qu’on les exploitera avec l’énergie qu’on y met aujourd’hui, ils ne dureront pas plus longtemps que ceux de l’Australie et de la Californie. Il reste, il est vrai, l’attaque directe des filons par l’art des mineurs ; mais quand on ne rencontre pas des gîtes très riches, les frais dépassent bientôt les bénéfices. C’est pour ce motif qu’en Europe comme en Amérique et déjà en Australie tant d’exploitations sont aujourd’hui abandonnées.

C’est une remarque d’Hérodote, qu’Alexandre de Humboldt a mise en tête de ses recherches sur les métaux précieux, que l’or vient toujours des limites extrêmes où s’arrête la civilisation. Très souvent c’est le premier fruit de la colonisation. Dans l’antiquité, l’or arrivait de l’Inde et de la Perse, de l’Arabie et du Nil, d’Ophir, des montagnes de la Dacie et de l’Espagne. Dans les premiers temps du moyen âge, la Bohême en livre un peu ; mais vers la fin de cette époque la production paraît avoir cessé, du moins pour l’Europe. Après la découverte du Nouveau Monde, Mexico, le Pérou, les Antilles, plus tard le Brésil, apportent un contingent considérable ; mais vers 1830 on ne recueille presque plus rien, trente millions par an en tout, estime Macculloch. En 1848, nouvel afflux plus