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résistance et de réaction pu une majorité d’un libéralisme sensé et éclairé, aidant sans arrière-pensée comme sans faiblesse à la fondation et à la marche d’un régime régulier. C’est là en réalité la question que le scrutin du mois de janvier tranchera et qui se débat dès aujourd’hui dans ces premières controverses électorales.

Eh ! sans doute, le meilleur sénat qu’on puisse élire est un sénat acceptant, prenant au sérieux son rôle de pouvoir modérateur et pondérateur dans le jeu d’institutions nouvelles librement, légalement votées. C’est son rôle, c’est sa fonction et sa destination parlementaire. Le jour où le sénat ne serait plus qu’un camp d’agitation, il aurait perdu sa raison d’être ; le jour où il ne serait qu’un satellite de l’autre chambre, il aurait cessé d’exister, il n’y aurait plus qu’une convention. Tout cela, on le sait bien. Si la question se posait ainsi, elle serait trop simple, S’il n’y avait qu’à choisir entre des hommes représentant une politique de conservation, de modération, d’indépendance pour le sénat, et des hommes de radicalisme, d’idées à outrance, de révolution, la raison du pays aurait vraisemblablement bientôt prononcé ; mais ce n’est plus de cela qu’il s’agit dans ce mouvement électoral qui commence, la question a changé de face, et ceux qui se présentent encore aujourd’hui comme des conservateurs, qui vont demander à ce titre le renouvellement de leur mandat sénatorial, savent-ils ce qui rend témoignage contre eux devait le pays, ce qui fait leur faiblesse ? C’est qu’avec tous leurs talens et leurs combinaisons ils n’ont réussi qu’à compromettre les idées conservatrices dont ils prétendent être les représentant privilégiés, et le sénat dont ils croient être les seuls défenseurs. Ils ont été impuissans ou dangereux ; ils n’ont su rien faire en vérité et ils ont souvent empêché ce qui aurait été possible.

Assurément, dans ces huit années laborieuses qui viennent de s’écouler, pendant l’existence de la dernière assemblée de 1871, il y a eu des heures, où un grand et sérieux parti conservateur aurait pu se former, C’eût été une entreprise généreuse, patriotique et prévoyante. Qu’on ont essayé à un certain moment, comme on l’a voulu, de rétablir la monarchie, on le pouvait sans doute, c’était le droit d’une assemblée souveraine à qui la France avait donné tous les pouvoirs dans un jour de détresse nationale et dont elle n’avait pas limité le mandat. Dès que la tentative avait échoué par tant de raisons que M. Thiers a si souvent décrites avec sa vive et pénétrante sagacité, il ne restait plus évidemment qu’à s’inspirer courageusement de la situation de la France, à reconnaître la puissance des choses, à s’établir sans arrière-pensée, sans subterfuge sur le seul terrain où une action sérieuse et efficace devenait désormais possible. Ce qui n’était plus une politique, ce qui ne ressemblait à rien, s’était de flotter sans cesse entre la monarchie et la république, de voter une constitution en ayant toujours l’air