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situation de chaque jour. Quand on lui disait que tout allait bien, qu’il n’y avait rien de grave, il répondait que dans ce cas il pouvait aller se promener ; si on lui disait qu’il y avait des difficultés, que les affaires se gâtaient, il reprenait lestement que c’était alors à ses ministres d’aller se promener. Aujourd’hui tout est concilié, puisque le chef de l’état et la plupart des membres du gouvernement peuvent les uns et les autres aller se promener de bon accord, sans difficulté, sans dommage pour la chose publique.

Il est vrai, à l’heure qu’il est, la paix règne partout. Elle a pour ainsi dire la double garantie de l’été et de l’exposition dont le succès doit être sauvegardé jusqu’au bout ; elle n’est même pas sérieusement troublée par ces grèves qui viennent de se produire dans les plus grandes industries à Anzin, comme à Paris, comme dans la Loire. Peut-être cependant est-elle plus apparente que réelle. Si la politique, cette éternelle et terrible agitatrice, semble assoupie pour un moment, elle ne sommeille visiblement qu’à demi ; elle se réveillera sans doute dans cette session des conseils généraux qui va commencer demain, et jusque dans cette trêve dont nous jouissons, dont les membres du gouvernement peuvent profiter sans péril pour s’absenter, la guerre des partis est loin d’être suspendue. Plus que jamais au contraire, tout se prépare pour une crise marquée d’avance, où les partis se donnent rendez-vous, — pour cette prochaine campagne du renouvellement partiel du sénat. Elles ne se feront sans doute qu’au commencement de l’année 1879, ces élections qui seront la première expérience du système décrété par la constitution nouvelle pour le recrutement de l’assemblée sénatoriale. On n’est pas encore à la veille du scrutin ; mais il y a des opérations préliminaires qui exigent plusieurs semaines, dont le gouvernement va être bientôt obligé de fixer la date et de régler l’ordre. Il y a une réunion des conseils municipaux appelés à choisir leurs délégués. Les conseils généraux, les conseils d’arrondissement qui vont se réunir ont eux-mêmes un rôle dans les élections, et naturellement les partis ne veulent pas attendre la dernière heure pour organiser la campagne, et prendre position. Déjà les groupes républicains des deux chambres ont reconstitué leurs comités et publié leurs manifestes. La droite ou la coalition des droites du sénat est de son côté depuis quelques jours en travail d’un comité et d’un manifeste, de sorte que dès ce moment la lutte peut être considérée comme engagée. Elle s’ouvre dans des conditions d’autant plus graves que par le fait il n’y a point à s’y tromper, le scrutin qui se prépare peut décider de tout, de la direction des affaires de la France, de l’avenir de demain, de l’avenir de 1880. Il s’agit de savoir si la constitution qui existe restera la loi politique incontestée ou si elle sombrera dans de nouveaux et inévitables conflits. Il s’agit de savoir si le pays renverra au sénat une majorité de