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une orgueilleuse éloquence, sa politique, ses négociations à Berlin, la situation créée par la paix, les avantages conquis par l’Angleterre. Lord Beaconsfield ne se fait-il aucune illusion sur les résultats de sa brillante campagne, sur la mesure des sentimens ou des dispositions des autres gouvernemens ? C’est une question qui ne peut être du ressort d’un banquet de la Cité de Londres. Puisque le premier ministre de l’empire britannique est satisfait, il est peut-être porté à voir la satisfaction partout. Ce qui est à remarquer dans tous les cas, c’est la cordialité empressée et chaleureuse avec laquelle il s’est plu à parler de la France. « Je regarderais, a-t-il dit, comme un des plus grands malheurs qui pourraient nous arriver qu’il vînt à surgir entre l’Angleterre et la France quelque éloignement, quelque diminution des sentimens d’amitié sincère et complète qui ont existé dans ces dernières années entre les deux pays. » Les sentimens que lord Beaconsfield nous témoigne au nom de l’Angleterre, la France de son côté les éprouve certainement pour la nation britannique. L’alliance des deux pays, utile à l’un et à l’autre, peut être une des plus précieuses garanties dans ces affaires d’Orient, qui sont loin d’être terminées.

Les embarras qui peuvent résulter des derniers arrangemens ne se dégageront que par degrés ; ils ne se révéleront pour l’Angleterre qu’avec le temps et les événemens. Pour l’Autriche les difficultés de l’exécution du traité de Berlin ont déjà commencé. Ce sont pour le moment des difficultés toutes militaires que l’armée autrichienne a rencontrées dès les premiers pas à son entrée dans les provinces de l’empire ottoman que la paix de Berlin l’autorise à occuper. Si le cabinet de Vienne a cru que ses soldats seraient reçus en libérateurs et en pacificateurs, qu’ils n’auraient à faire qu’une promenade militaire, il s’est manifestement fait illusion. Il y a quelques jours déjà que les troupes de l’empereur François-Joseph ont commencé leurs mouvemens. Une division est entrée par la Dalmatie, par la vallée de la Narenta, dans l’Herzégovine, pour gagner d’abord Mostar. Le gros de l’armée d’occupation, sous le général Philippovitch, a fait son entrée en Bosnie par le nord, par Brod et Gradiska. Ces forces diverses, dans leurs mouvemens combinés, doivent se rencontrer à Serajewo. La marche cependant paraît jusqu’ici lente et pénible. La division dirigée sur Mostar n’a eu à soutenir que quelques escarmouches peu sérieuses. Le corps du général Philippovitch, au contraire, a été à peine engagé sur le territoire de la Bosnie, dans la vallée de la Bosna, qu’il a eu affaire à des corps d’insurgés mêlés de soldats réguliers turcs. Il a dû livrer de véritables combats à Maglay, à Zépce, il a fait des pertes, et il marche lentement. Il n’y a pas là de quoi arrêter une vaillante et solide année qui restera bientôt sans doute maitresse du terrain ; mais l’Autriche peut s’apercevoir qu’il n’était pas si facile d’avoir raison de ces Bosniaques