Autrefois la vérité historique était lente à se produire ; mais du jour où les hommes politiques, les souverains même, ont cru devoir s’adresser directement à leurs contemporains et livrer à la curiosité comme aux appréciations du public ce qu’on se plaisait jadis à appeler des secrets d’état, le rôle de l’historien s’est simplifié. Les révélations hâtives rendent sa tâche plus facile ; cependant elles ont aussi leurs inconvéniens, elles ne donnent pas toujours « le pourquoi du pourquoi, » comme disait Leibniz, et il est sage de ne les accepter que sous bénéfice d’inventaire.
On peut dire qu’à aucune époque l’indiscrétion diplomatique n’a été poussée aussi loin qu’aujourd’hui. Tous ceux qui, à un titre quelconque, de 1866 à 1870, ont été mêlés aux événemens qui ont changé la carte de l’Europe ont cru de leur devoir, soit d’accuser, soit de se justifier. L’exemple est parti de haut : il a été donné par M. de Bismarck tout le premier, qui, aussitôt la guerre de 1870 déclarée, s’est senti, comme d’une arme, de documens imprudemment livrés, qu’il avait eu soin de classer dans ses cartons. Après lui, le général La Marmora, dont la politique suffisamment heureuse, et j’ajouterai suffisamment correcte, aurait pu à la rigueur se passer de commentaires, est venu de la façon la plus inopinée jeter à profusion la lumière sur des actes et des négociations qu’il importait beaucoup à son ancien allié de laisser dans l’ombre.