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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/13

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Il nous faut remonter un peu loin pour présenter la série des réformes introduites dans l’organisation de la juridiction administrative et pour suivre le travail patient, ingénieux, hardi, qui a créé et développé le recours pour excès de pouvoirs. Mais c’est l’histoire de deux progrès considérables dans une branche de la justice dont le fonctionnement régulier et facile importe au plus haut degré à la marche des affaires publiques. C’est de plus un exemple, trop rare en France, de réformes sages et successives substituées à une brusque destruction. On nous pardonnera donc d’entrer dans les détails nécessaires.


I.

Le conseil d’état tenait une si grande place dans les institutions du consulat et du premier empire qu’au moment de la chute de Napoléon Ier on put croire qu’il allait disparaître. Il semblait, au premier abord, incompatible avec les institutions organisées par la charte de 1814, qui n’en faisait pas mention. Et cependant c’était aux institutions antérieures à 1789 que la constitution de l’an VIII avait emprunté le conseil d’état supprimé par la constitution de 1791. C’était à l’ancien régime qu’on avait pris l’idée d’un corps considérable, appelé à être l’auxiliaire permanent du gouvernement dans l’œuvre de la préparation des lois, de l’expédition des affaires administratives et du jugement des réclamations dirigées contre les actes de l’administration.

On peut même dire, depuis qu’on connaît, grâce à la publication des lettres, mémoires et instructions de Colbert faite par M. Pierre Clément, les détails de l’élaboration des réformes législatives accomplies sous Louis XIV, qu’il y a d’assez grandes analogies entre ces travaux et l’œuvre de codification de nos lois civiles et criminelles accomplie sous le consulat et le premier empire. Dans l’une comme dans l’autre, c’est le conseil d’état qui a la principale part. Pour l’ordonnance civile du mois d’avril 1667 et pour l’ordonnance criminelle du mois d’août 1670, le conseil d’état, après de longs travaux auxquels préside Louis XIV, tient des conférences avec les députés du parlement de Paris. De 1804 à 1810, pour les travaux du code civil, du code de procédure civile, du code d’instruction criminelle, du code pénal, du code de commerce, le conseil d’état, après de longues discussions auxquelles Napoléon a pris souvent une part active, obtient l’assentiment du corps législatif, qui n’a pas modifié notablement son œuvre.

Mais la chambre des députés et la chambre des pairs n’entendaient pas être réduites au rôle effacé du corps législatif et du