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tenu par un témoin oculaire, je lis : « Il était partout, encourageant les uns, ranimant les autres, déployant de tous côtés la plus grande énergie et s’occupant avec un calme admirable des mesures préservatrices qu’il était urgent de prendre. » — Il a été extraordinaire de fermeté dans l’accomplissement de son devoir, d’indulgence pour son personnel, de dignité avec les délégués de la commune, d’héroïsme en face du péril, et je regrette profondément que sa modestie, que je trouve excessive, m’ait interdit de le nommer. Là, sur les toits, en compagnie de MM. Delambre et Riondel, il put contempler l’étendue de ce désastre et comprendre que le Louvre pouvait être attaqué par deux côtés à la fois. Les murailles des bâtimens nouveaux élevés par Hector Lefuel étaient bonnes et résisteraient, mais malgré les combles de fer, le feu glissant le long des solives et des chevrons en bois pouvait envahir la grande galerie des tableaux, et alors tout serait à craindre. — Non, rien n’était plus à craindre, car le marquis de Sigoyer était à l’œuvre depuis une heure, à la tête du 26e bataillon de chasseurs à pied, dont il était le commandant.


VI. — LE MARQUIS BËRNARDY DE SIGOYER.

Le 26e bataillon de chasseurs à pied appartenait à la brigade Daguerre de la division Vergé, division momentanément détachée du corps de Vinoy et placée sous les ordres du général Félix Douay, commandant la quatrième armée devant Paris. Dans la journée du 21 mai, aussitôt que nos soldats eurent franchi la porte de Saint-Cloud, le 26e bataillon entra en ligne. Il était commandé par le marquis Bernardy de Sigoyer, homme de guerre d’une haute valeur dont il convient de faire connaître les états de service, ne serait-ce que pour prouver aux détracteurs systématiques de notre organisation sociale que l’on sait y faire bonne place à ceux qui la méritent. Il était de famille militaire, mais on le destina à la robe et on l’envoya faire son droit à Toulouse ; il n’y tint pas, le sang des ancêtres lui battait au cœur, et, dès que sa vingtième année eut sonné, il jeta le code aux orties pour s’engager, le 25 juillet 1845, dans un régiment de zouaves. De ce jour, il est toujours où l’on combat : sous-lieutenant en 1851, lieutenant en 1854, il ne quitte l’Afrique que pour aller en Crimée ; il est capitaine en Italie ; le 15 juillet 1870, il est nommé chef de bataillon au 44e régiment d’infanterie, et, comme l’on sait que l’on peut compter sur lui, il est envoyé à Thionville en qualité de commandant en second. Il y fut admirable d’intrépidité ; ses sorties sont restées légendaires. Un coup de feu reçu le 27 septembre dans la