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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/15

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rattaché M. le duc de Broglie en 1828 dans un article de la Revue française où il repoussait vivement un système de réforme intermédiaire proposé par M. de Cormenin et M. Macarel et qui consistait à créer une cour de justice administrative spéciale composée de magistrats inamovibles.

Le gouvernement pouvait avoir raison contre ses adversaires au point de vue des principes; mais il n’avait pas usé avec sagesse des pouvoirs qui lui appartenaient. S’il avait fait entrer dans le conseil d’état des hommes considérables dont les uns avaient appartenu au personnel du premier empire et à leur tête Cuvier, le comte Bérenger, Allent, dont les autres avaient marqué dans les discussions parlementaires, comme MM. Royer-Collard, de Serre, Ravez, de Broglie, Camille Jourdan, de Barante, Guizot, il ne donnait pas au personnel de ce grand corps une stabilité suffisante pour rassurer; les justiciables. Jusqu’en 1824, la liste du service ordinaire était arrêtée tous les ans : il suffisait d’être omis au tableau pour perdre ses fonctions; les changemens de ministères amenaient des mutations récentes.

D’autre part, l’examen des affaires contentieuses se faisait dans des conditions qui se rapprochaient trop de l’étude des affaires administratives. Sans doute depuis 1806, par suite de la création de la commission du contentieux, due à l’initiative personnelle de l’empereur[1], le conseil d’état pouvait être directement saisi par les parties intéressées et l’instruction des affaires était dirigée par des magistrats spécialement préoccupés du point de vue pratique ; mais les avocats n’étaient autorisés qu’à produire des mémoires, les rapports étaient lus à huis clos, dans une assemblée générale où siégeaient tous les membres du conseil, y compris les chefs de service des ministères qui avaient le titre de conseillers en service extraordinaire, ce qui pouvait autoriser à dire que l’administration était juge et partie.

Tout en tenant tête à l’orage, le cabinet présidé par M. de Martignac crut sage de satisfaire l’opinion libérale par des réformes. On commença par les conflits d’attribution, qui permettaient aux préfets de dessaisir l’autorité judiciaire dans les contestations qu’ils considéraient comme étant du ressort de l’autorité administrative, pour faire trancher la question de compétence par une décision du roi délibérée en conseil d’état. Des abus considérables s’étaient produits : la magistrature, le barreau s’en étaient émus; les conflits

  1. M. Pelet de la Lozère, dans son ouvrage intitulé : Opinions de Napoléon Ier sur divers sujets de politique et d’administration, recueillies par un membre de son conseil d’état, rapporte (p. 190) une discussion dans laquelle la nécessité de la commission du contentieux était vivement signalée.