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que le commandant de Sigoyer au pavillon Lesdiguières et le capitaine Delambre au pavillon Richelieu eurent énergiquement attaqué l’incendie? Loin de là, les libérateurs mêmes ont failli en entraîner la perte. Dès que les soldats de l’armée française eurent pénétré dans le Louvre, ils en firent une forteresse d’où, solidement établis, ils combattaient la révolte. Une compagnie de chasseurs à pied s’était précipitée dans la galerie d’Apollon. Malgré les supplications des conservateurs, elle avait ouvert les fenêtres et tiraillait sur la barricade élevée près du Pont-Neuf. Les insurgés, qui ne se souciaient que très faiblement des objets d’art, ne se faisaient faute de riposter. Les balles cassaient les vitrines, heureusement vides, trouaient les tapisseries, écaillaient les moulures. Cela était grave et pouvait avoir de dures conséquences, car les insurgés du Pont-Neuf semblaient décidés à ne point quitter la partie. S’ils avaient eu du canon, plus d’une collection aurait singulièrement souffert. Les conservateurs consternés se désolaient et se demandaient avec angoisse si ce jour de salut allait causer la ruine du Louvre, lorsqu’ils virent les insurgés de la barricade détaler comme des loups tirés. Des bérets bleus s’étaient montrés en haut de l’hôtel de la Monnaie : c’étaient les fusiliers marins de la division Bruat qui, tournant la position et la dominant, chassaient du même coup les fédérés du Pont-Neuf et délivraient les musées du Louvre. Tout péril était donc conjuré? Non, pas encore, car on avait eu la malencontreuse idée de hisser le drapeau français au-dessus du pavillon Lemercier, dans la cour François Ier. Le commandant de la batterie du Père-Lachaise ne tarda pas à s’en apercevoir, car il était muni d’un bon télescope, et les obus communards s’empressèrent de démontrer que le Louvre s’était pavoisé trop tôt. Heureusement le général Vergé arriva avec son état-major prendre position dans le palais que sa division occupait en partie, il se rendit de très bonne grâce aux observations qu’on lui adressa; le drapeau tricolore fut amené et les projectiles devinrent rares. Cette fois, c’était la dernière alerte; mais toute la façade de la galerie d’Apollon dut subir un ravalement complet.

La commune a-t-elle eu l’intention de détruire le Louvre? On l’a dit, on l’a répété avec insistance; pour ma part, je ne le crois pas. Une seule raison suffit à ma conviction ; si la commune avait voulu brûler le Louvre, elle l’eût brûlé. Les conservateurs, les employés, les surveillans s’y seraient opposés et eussent lutté avec désespoir, on peut l’affirmer sans hésitation ; mais une cinquantaine d’hommes, si dévoués, si agiles qu’ils soient, ne réussiront jamais à préserver de l’incendie un palais aussi vaste, rempli de matières combustibles, ouvert par quatre façades sur des espaces libres facilement