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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/154

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abordables, et que rien ne défend. Il suffisait d’un bidon de pétrole et d’une allumette pour qu’il n’y eût plus là qu’un monceau de cendres. Une découverte faite par les sauveteurs du pavillon Lesdiguières a donné lieu de croire que la commune avait sérieusement préparé l’incendie du Louvre. L’interprétation a été erronée. Dans le pavillon de Flore, dans la salle des états, dans les appartemens réservés, sous l’empire, aux logemens du grand-écuyer et du grand veneur, on arracha des fils de laiton couverts de gutta-percha symétriquement disposés le long des murs. Quelques-uns de ces fils sont conservés, encore à l’heure qu’il est, à titre de curiosité, par les personnes qui les ont enlevés ; on s’est imaginé qu’ils avaient pour but d’agir de loin sur des fourneaux de mines préparés d’avance et destinés à faire sauter le Louvre. L’explication est bien plus simple et surtout bien moins dramatique. En 1869, Napoléon III fit établir une communication électrique entre son cabinet et l’appartement du général Fleury ; les fils de laiton qui mettaient en relation le souverain et le grand-écuyer ont été pris pour des conducteurs d’incendie, et ont motivé une légende qui n’a aucune raison d’être.

Deux faits cependant, que je dois rapporter, semblent contradictoires à l’opinion que j’ai émise. Bergeret n’a point été arrêté après la chute de la commune ; successivement réfugié chez deux personnes qui lui donnèrent asile, il put gagner la Belgique, en accompagnant un député qui le fit passer pour son secrétaire. Il a publié, dans le New York Herald, une note justificative de sa conduite, note dans laquelle il affirme que son goût pour les beaux-arts l’a empêché d’incendier le Louvre, quoiqu’il en eût reçu l’ordre du comité de salut public. — L’autre fait est plus sérieux. Lorsque le 24 mai les conservateurs des musées entrèrent dans la chalcographie située au rez-de-chaussée de la cour François Ier, près du guichet Marengo, ils trouvèrent les salles dans un état de désordre extraordinaire et méthodiquement produit. Quelques fédérés avaient pénétré, on ne sait comment, dans l’appartement du général Le Pic ; ils en avaient brisé la porte condamnée qui pouvait donner accès au musée des gravures et s’étaient momentanément emparés de celui-ci. Une planche d’argent, portant le numéro d’ordre 1914, gravée par Simon de Basse et représentant le portrait de Jacques d’Angleterre, a été volée ; les tiroirs du bureau du conservateur ont été forcés. Ceci n’est qu’un vol et n’a pas d’importance ; mais voici qui est plus grave : dans les salles garnies de casiers et de larges tables, toutes les gravures avaient été répandues sur le parquet, par-dessus les tiroirs renversés. Çà et là on avait jeté des pains de cire vierge qui servent à l’impression en taille douce et dont un atelier voisin était amplement