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relevée par la loi du service obligatoire, dont les élémens seront si différens? Nos régimens verront-ils encore l’accumulation quotidienne, inhumaine, indécente, dans ces réduits sans air, sans lumière et infectés qu’on appelle les salles de police, de jeunes hommes coupables de manquemens véniels dans le service? le temps n’est-il pas venu pour le commandement de sortir de cette détestable routine, de grandir nos soldats à leurs propres yeux et de se grandir lui-même en leur apprenant le devoir par des procédés plus efficaces et plus dignes ? Est-ce qu’à la guerre, — je ne puis trop le redire, — où la discipline acquiert une si haute importance qu’elle est la loi du salut commun en même temps que du succès, on trouve ces salles de police, ces prisons, ces cachots dont vous avez fait, dans l’esprit et dans la coutume des troupes, les uniques porte-respects de l’obéissance et de la règle? Combien d’hommes devenus par les salles de police des vauriens achevés, qui auraient pu être sauvés, pris à temps, par une réprimande publique devant la compagnie, le bataillon, le régiment? Ne voyez-vous pas que le mode de répression par l’emprisonnement collectif, pour les fautes de tous les jours, est devenu un contre-sens, comme autrefois le mode de répression par les coups, qu’il faut le réserver pour les délinquans jugés incurables, qu’il faut le remplacer pour les autres par des châtimens qui réveillent dans leur esprit le sentiment du devoir, avec la honte d’y avoir manqué? Quel est le plus sûr, presque l’unique moyen d’obtenir ce résultat si désirable? C’est d’associer l’opinion au châtiment, d’en rendre témoin la compagnie, le bataillon, le régiment, selon la gravité des cas, de solidariser l’honneur des coupables avec l’honneur des groupes dont ils font partie, de donner par là une leçon qui profite également à ceux-là et à ceux-ci. On verrait disparaître de nos régimens, au moins diminuer beaucoup, ce petit noyau de soldats perdus qui en sont le mauvais exemple et la honte, qui ne sortent de la prison, à laquelle ils sont habitués, que pour y rentrer, et visent à cette espèce de déportation militaire qu’on appelle les compagnies de discipline et les bataillons d’Afrique.

Généralement, nos méthodes de répression sont fausses en principe ou faussées par l’application que nous en faisons. La justice des conseils de guerre elle-même est insuffisante dans ses effets. Pendant la paix, elle opère de telle sorte que le corps de troupes qui a été le témoin d’un acte criminel n’est pas le témoin du châtiment. Les débats ont leur cours, et les jugemens sont rendus au loin; ils reçoivent leur exécution hors de la vue et des émotions qui seraient salutaires du corps intéressé. Il n’en est informé, presque toujours après de longs délais motivés par des pourvois et des jugemens de révision, que par un ordre du jour qu’entendent