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des soldats qui avaient oublié l’événement ou qui ne le savaient pas. Notre code de justice militaire est à modifier, dans le sens d’une réforme qui créerait auprès des corps de troupes un tribunal spécial, statuant au premier degré de juridiction.


Nous ne pouvons retarder plus longtemps l’introduction dans le système d’éducation de la nouvelle armée du troisième moyen, qui consiste dans l’emploi combiné de la répression du mal, par les procédés dont je viens d’indiquer le principe, et de l’émulation du bien. C’est une vérité dont la démonstration n’est pas nécessaire, que l’homme appelé à en conduire d’autres, qui sait leur inspirer l’émulation et s’appuie pour l’accomplissement de son mandat sur cet énergique et noble sentiment, montre par cela seul qu’il est digne et qu’il est capable de commander. Je reproche expressément au commandement, dans l’armée française, de ne s’en pas servir.

Il serait sans doute difficile de préciser dans un règlement par articles la série des actes à l’aide desquels on peut faire naître et entretenir l’émulation dans l’esprit des troupes; mais j’affirme, pour l’avoir constaté par une suite d’observations très attentives pendant une longue carrière, que les officiers qui ont du cœur, du tact, et qui croient fermeraient à l’efficacité de la méthode, savent trouver les moyens de l’appliquer. Au fond, ces moyens peuvent se résumer dans les propositions suivantes :

1° Que les dépositaires du commandement manifestent publiquement et personnellement un vif et constant intérêt pour les résultats d’ordre moral ou d’ordre professionnel qu’ils veulent obtenir, et que les encouragemens de leur présence et de leur parole, au cours des travaux qui préparent ces résultats, soient pour les travailleurs la marque certaine de cet intérêt. Je fais ici une réflexion : beaucoup de chefs de corps, pour ne pas user leur prestige, voient très rarement leur troupe; d’autres croient bien faire en la voyant très souvent. Le bien jugé consisterait surtout à la voir opportunément, non pas pour la taquiner sur les détails, comme il arrive, mais pour diriger et pour stimuler l’effort du moment qui a le plus d’importance;

2° Que les travaux régimentaires soient organisés, — j’entends ceux qui sont susceptibles de l’être, — sur le pied d’un concours primé. Il ne peut être ici question, bien entendu, d’une prime de paiement, il s’agit de cette prime d’encouragement qui est pour les hommes qu’on réunit en vue d’un travail obligatoire l’excitant nécessaire de l’intérêt et de l’ardeur.

Qu’on ne cherche pas la contradiction entre cette théorie de l’effort primé et le principe de l’effort gratuit, du sacrifice, devrais-je