Max Müller, nous n’oserions affirmer que le problème soit définitivement résolu. On peut toujours se demander d’où viennent ces racines elles-mêmes. Max Müller refuse de poser cette question, sous prétexte qu’elle échappe par sa nature aux conditions de la science expérimentale. — Sans doute, si l’on s’en tient aux langues entièrement constituées et susceptibles d’être étudiées dans des monumens écrits, on ne peut remonter au-delà des racines, et on doit les considérer comme les élémens ultimes auxquels l’investigation positive puisse atteindre ; mais ces limites relativement étroites, l’induction ne peut-elle essayer de les franchir ? Les innombrables idiomes des tribus sauvages n’ont-ils rien à nous apprendre ? Et en recueillant et concentrant les douteuses lueurs qu’on en peut tirer, n’y a-t-il pas quelque espérance d’éclairer d’un jour nouveau les obscures origines du langage humain ?
C’est ce qu’ont fait, non sans profit, plusieurs linguistes contemporains, parmi lesquels nous mentionnerons MM. Farrar, Hensleigh Wedgwood, B. Tylor. On ne peut méconnaître, en lisant leurs ouvrages, que les objections de Max Müller contre les théories de l’imitation et de l’interjection n’aient beaucoup perdu de leur force.
Il est aisé d’abord de ramener ces deux théories à une seule, celle de l’imitation ou de l’onomatopée. En effet, que sont les interjections ? Des sons, articulés déjà, par lesquels l’homme a dû primitivement imiter les cris naturels de la douleur, de la joie, de la crainte, etc., pour exprimer à ses semblables les diverses situations de son âme. Le cri de la douleur, par exemple, est, en vertu de la constitution même de notre espèce, le signe universel de la douleur ; pour implorer secours, en l’absence de tout autre langage, que fera l’homme, sinon reproduire plus ou moins volontairement le cri que, sous l’aiguillon de la souffrance, il a poussé maintes fois sans le vouloir ? C’est ce que confirme l’observation des enfans. Longtemps avant d’avoir acquis l’usage de la parole, ils manifestent leurs besoins par la répétition évidemment intentionnelle de cris qui furent d’abord tout spontanés.
C’est donc au principe général de l’onomatopée qu’il faut demander s’il peut rendre un compte suffisant de l’origine des mots. Et certes, s’il ne peut les expliquer tous, il en explique du moins un fort grand nombre. MM. Farrar et Wedgwood ont montré que, dans toutes les langues connues, une foule de substantifs, d’adjectifs, de verbes, ont été formés par imitation du cri des animaux. Quant aux différences qui, d’un idiome à l’autre, se manifestent dans l’appellation d’un même animal, les causes en sont, soit les différences mêmes qui existent entre les cris habituels de l’animal, soit les altérations qu’ont dû subir à travers les siècles, sous des influences