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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




1er septembre 1878.

Par ce temps d’apothéoses banales, d’engouemens éphémères et de popularités équivoques, il y a eu du moins tout récemment une occasion heureuse de rendre hommage à une vraie gloire du siècle, et il va y avoir une occasion nouvelle de montrer que le pays n’oublie pas ses grands serviteurs. Dans trois jours, l’anniversaire de la mort de M. Thiers, célébré à Notre-Dame de Paris, va raviver l’image de celui qui a illustré sa vieillesse par son dévoûment à la France éprouvée. Il n’y a pas plus de deux semaines, dans une ville de la Bourgogne, à Mâcon, on se réunissait pour l’inauguration d’une statue élevée à Lamartine, fils de ces contrées par la naissance, illustration de la France et du monde par le génie. Ces fêtes ou ces cérémonies commémoratives, c’est le hasard qui les a rapprochées, et, par les incidens qui s’y mêlent ou qui les accompagnent, elles sont presque de la politique aujourd’hui; elles ont leur signification, leur caractère dans nos affaires du moment.

Certes, s’il est un homme fait pour avoir les honneurs qui couronnent les existences privilégiées, pour être représenté par le bronze et le marbre, c’est celui dont le génie a été une des lumières du siècle; c’est celui qui a ému, ébloui, captivé une génération, plusieurs générations, et qui, après avoir été un des rénovateurs de la poésie, est devenu un moment un des grands acteurs de la politique : c’est Lamartine! né à la fin de l’autre siècle, doué d’une nature merveilleuse, poète d’inspiration, diplomate par convenance de famille dans sa jeunesse, député quand il l’a voulu, orateur puissant, historien pathétique, appelé un jour après trente ans de succès à gouverner son pays dans une effroyable tempête, Lamartine a connu toutes les fortunes et toutes les popularités. Il a régné par l’imagination et par l’éloquence, par cette inépuisable et incomparable fascination dont il avait le secret. — Il a dilapidé ce règne, dira-t-on, il a gaspillé les dons qu’il avait reçus,