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équivoque, du moins discutable, une puissance dont l’appui était à ménager pour les éventualités de l’avenir.

M. de Bismarck n’eut donc pas grand effort à faire pour de jouer les combinaisons autrichiennes. Il obtint du roi une interprétation plus conforme à l’esprit du traité, c’est-à-dire la promesse de déclarer la guerre à l’Autriche si l’Italie était attaquée[1], et cela lui suffit pour se réconcilier le cabinet de Florence et permettre au général de La Marmora de nous démontrer qu’il n’était plus en mesure de rompre l’alliance avec la Prusse et de dénoncer le traité. « L’empereur n’oubliera pas, écrivait-il à M. Nigra pour colorer son refus, qu’il nous a conseillé le traité avec la Prusse. »

Il ne restait plus dès lors qu’une seule chance au maintien de la paix, dont l’opinion publique faisait en quelque sorte un devoir au gouvernement de l’empereur, c’était de permettre à l’Italie, on s’en flattait du moins, de recouvrer la liberté de ses mouvemens au moyen d’un congrès, en faisant traîner les négociations jusqu’au 8 juillet, délai fixé à l’expiration de l’alliance. Mais il eût fallu qu’à Paris, à Saint-Pétersbourg et à Londres, les intérêts fussent identiques pour arrêter un programme, et l’imposer au besoin aux futurs belligérans. Le cabinet de Londres avait pris l’initiative d’une demande de désarmement; M. Drouyn de Lhuys jugea que la démarche réduite à ces termes resterait inefficace. Il pensait qu’il convenait d’aborder les questions de front et de rechercher dans un conseil international les élémens d’une entente.

«La crise présente, disait-il, a trois causes, l’affaire des duchés, la réforme fédérale et la Vénétie. Il importe de régler ces trois difficultés, si l’on veut sincèrement préserver la paix[2]. » La convocation au congrès portait la date du 24 mai; elle ne trouva nulle part un accueil convaincu, car si la situation était la même pour la France, l’Angleterre et la Russie, ces trois puissances n’avaient ni les mêmes intérêts ni les mêmes responsabilités. La Russie, à part une lettre que,

  1. «Le roi de Prusse écrivit immédiatement après le discours d’Auxerre une lettre chaleureuse destinée à effacer la fâcheuse impression de l’incident du 2 mai et de l’étrange interprétation qu’on avait donnée au traité d’alliance, sous la crainte des interpellations au corps législatif. Il exprimait la conviction que rien ne pourrait briser les liens qui unissaient l’Italie et la Prusse. » (La Marmora.)
  2. Dépêche de M. Nigra, 11 mai : «Voici quelles sont les idées de l’empereur: union de la Vénétie à l’Italie, de la Silésie à l’Autriche; la Prusse recevrait les duchés de l’Elbe et quelques principautés allemandes qu’elle choisirait elle-même; sur le Rhin on établirait trois ou quatre petits duchés qui relèveraient de la confédération germanique. Les princes allemands dépossédés par la Prusse iraient dans les principautés danubiennes. Il serait question aussi d’assurer à l’Autriche, au lieu de la Silésie, un dédommagement territorial sur le Danube; pour beaucoup d’hommes politiques français, leur ambition se borne à la création d’un royaume neutralisé qui s’étendrait de la Lauter à la Hollande. »