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sont souvent dominés par la préoccupation du but qu’ils doivent atteindre. L’initiative est pour eux un devoir. Sans doute cette initiative doit être réglée et contenue dans les limites fixées par la loi; mais ils ne statuent pas après mi examen contradictoire comme les juges. Ils ont donc plus de chances que les juges de blesser, sans le vouloir, les droits des citoyens. Par conséquent, si des recours sont ouverts contre la décision des juges, il doit à plus forte raison en être ouvert contre les actes des administrateurs. Et il ne suffit pas que les citoyens lésés puissent se plaindre devant le supérieur hiérarchique de ces agens, inspiré souvent par les mêmes préoccupations; il faut qu’ils puissent s’adresser à des magistrats qui, sans méconnaître les nécessités de l’action administrative, ont pour mission de faire toujours observer la loi. D’autre part, le gouvernement, sur qui retombe la responsabilité des fautes de ses délégués, a grand intérêt (quel que soit le régime politique) à ce que les plaintes qu’elles soulèvent puissent arriver jusqu’à lui ou jusqu’à la juridiction suprême placée auprès de lui, parce que les griefs les plus minimes peuvent en se multipliant amener de graves mécontentemens. Il y a là une sorte de soupape de sûreté qui doit être toujours facile à ouvrir.

Si l’on se place à ce point de vue, on peut comprendre qu’il y ait des espèces très variées d’excès de pouvoirs.

L’usurpation des pouvoirs d’une autre autorité peut s’appeler incompétence; mais ce n’est pas forcer le sens du mot que de l’appeler excès de pouvoirs, et l’on admettra aisément qu’il n’y ait pas de différence au point de vue des mots, nous ne disons pas au point de vue de la gravité du grief, quelle que soit l’autorité dont les attributions sont usurpées. Qu’un préfet s’arroge le pouvoir législatif en imposant à la propriété privée une servitude que la loi n’autorise pas, par exemple en interdisant d’établir des moulins à vent au bord des routes, ou le pouvoir des tribunaux civils en tranchant des difficultés relatives à la jouissance des eaux que se disputent des usiniers et des propriétaires de prairies, ou le pouvoir du chef de l’état en ordonnant des travaux qui ne peuvent s’exécuter qu’en vertu d’un décret, ou le pouvoir des maires en faisant des règlemens de police municipale, il excède les limites de ses pouvoirs.

A cet égard, il ne saurait y avoir de difficultés; mais la violation des formes prescrites par la loi ou les règlemens n’a-t-elle pas, quand on y regarde de près, un caractère analogue? Si le législateur a chargé le gouvernement ou les préfets d’apprécier souverainement certaines mesures d’utilité publique, mais en exigeant qu’avant de statuer ils prissent soin de s’éclairer soit par une enquête qui recueillera les vœux des intéressés, soit par un avis des