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conseils placés auprès d’eux, n’y a-t-il pas là une condition essentielle de l’exercice du droit de l’administration, une limite de son pouvoir? La jurisprudence s’est prononcée en ce sens. Ainsi l’on sait que, parmi les dépenses des communes, il y en a un certain nombre que la loi déclare obligatoires, par exemple les dépenses du culte en cas d’insuffisance des ressources des fabriques. Si le conseil municipal se refuse à les acquitter, le préfet a le droit d’inscrire d’office au budget de la commune le crédit nécessaire ; mais l’article 39 de la loi du 18 juillet 1837 exige qu’avant de prendre sa décision le préfet adresse au conseil municipal une mise en demeure. Si cette formalité n’a pas été remplie, l’arrêté du préfet est annulé. Et il ne faut pas croire que ces graves irrégularités, qualifiées si sévèrement par le conseil d’état, soient le fait exclusif des agens du pouvoir central. Les conseils généraux de département, si jaloux de leur indépendance, ont parfois méconnu aussi le droit réservé aux conseils municipaux de faire entendre leur avis à l’occasion du classement ou du déclassement des chemins vicinaux.

Ce qui est plus délicat, c’est que, tout en restant dans les limites de sa compétence, en suivant les formes prescrites par la loi et les règlemens, un agent de l’administration peut, d’après la jurisprudence, voir ses actes annulés s’il use de son pouvoir discrétionnaire pour des cas et pour des motifs différens de ceux en vue desquels la loi lui a attribué ce pouvoir. Ce n’est plus ici la violation du texte de la loi qui est réprimée, c’est la violation de son esprit; ce n’est plus seulement le dispositif de l’acte attaqué qui est examiné, ce sont ses motifs, c’est l’intention qui l’a dicté. Il est difficile de pousser plus loin la recherche scrupuleuse de la légalité. On nous permettra, pour nous faire bien comprendre, de citer quelques exemples de ces cas de détournement de pouvoirs. Voici une affaire de cette nature jugée en 1864 et 1865, dans laquelle le conseil d’état et la cour de cassation n’ont pas été d’accord et dont la solution définitive montre que la juridiction administrative est parfois mieux placée que l’autorité judiciaire pour protéger les droits des citoyens.

Les préfets ont le droit de régler l’entrée, le stationnement et la circulation des voitures publiques ou particulières dans les cours dépendant des gares de chemins de fer. Ont-ils le droit de défendre l’entrée des gares aux voitures publiques qui ne prendraient pas l’engagement de desservir tous les trains de jour et de nuit? La question a donné lieu à des arrêts en sens contraire. Les compagnies de chemins de fer, pour assurer un service régulier de correspondance dans l’intérêt public, ont traité fréquemment avec des entrepreneurs. A une certaine époque, les entrepreneurs exigeaient