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d’autres procédés qu’ils ne craindraient pas de rendre vexatoires. Cette fin de non-recevoir n’a donc aucune valeur, et d’ailleurs en généralisant l’impôt, comme nous le demandons, on écarte le danger. Ce n’est plus une taxe de luxe qu’on met sur les riches, c’est une taxe comme les autres qui pèse sur tout le monde et qui doit rester proportionnelle, il n’y a plus de raison pour qu’elle change de caractère.


Arrivé au terme de ces études, nous avons besoin de résumer les conclusions qu’on peut en tirer. La première, c’est que, l’impôt étant la rémunération des services rendus par l’état, et dont nous profitons tous également, chacun le doit dans la proportion de ses facultés, et par faculté on entend, non-seulement ce qu’on possède de la richesse réalisée et disponible, mais aussi de celle qui se forme tous les jours, et qui se trouve distribuée à tout le monde sous forme de traitemens, de salaires ou de bénéfices industriels. L’état couvre tout de sa protection ; par conséquent, tout lui doit l’impôt. Cela est élémentaire. Maintenant, sous quelle forme l’exiger? On a pris la forme directe pour la fortune déjà réalisée. On s’est adressé à ceux qui la possédaient, et on leur a demandé une part du revenu qu’ils en tiraient; on ne pouvait pas agir de même vis-à-vis de ceux qui ne possèdent rien. Cependant, comme la richesse réalisée est loin de constituer toutes les ressources d’un pays, que celles qui se produisent au jour le jour et se consomment de même sont de beaucoup les plus considérables et que l’état leur accorde également sa protection, il fallait bien qu’elles contribuassent aussi aux charges publiques. On a eu recours pour cela aux impôts indirects; on a présumé à juste titre que chacun consommant en raison de ses facultés, si on mettait une taxe sur les objets de consommation générale on ferait contribuer tout le monde dans une proportion exacte. Alors sont arrivées les objections.

On a prétendu d’abord qu’il était immoral et inhumain d’imposer les choses nécessaires à la vie, comme s’il y avait dans la société des gens qui dussent avoir le privilège de n’être point imposés. Ce privilège existait autrefois en faveur des classes élevées, on l’a aboli et on a bien fait. Voudrait-on le faire revivre pour les classes inférieures? Ce ne serait pas plus juste, et le seul moyen qu’on ait d’atteindre tout le monde, c’est précisément de taxer les objets qui sont d’un usage universel. Mais, dit-on, l’impôt pèse plus sur les pauvres que sur les riches; la consommation des objets taxés n’est pas en rapport avec la fortune. Si j’ai 100,000 francs de rente, je ne bois pas cent fois plus de vin et ne consomme pas cent fois plus de sel que celui qui n’a que 1,000 francs de revenu. Cette objection,