à refaire une majorité. En un mot, l’Italie, sans être absolument en péril, a aujourd’hui à retrouver sa voie, sa direction, sa politique, et pour elle le meilleur moyen de s’éclairer, de se guider, c’est encore de se souvenir de ce passé d’un quart de siècle qui l’a élevée au rang des nations. C’est justement ce qui fait l’intérêt et, on pourrait dire, l’opportunité de ce livre sur la Vie et le règne de Victor-Emmanuel II de Savoie, premier roi d’Italie, dont M. Giuseppe Massari a publié récemment le second et dernier volume.
À travers ces pages instructives et attachantes, c’est l’Italie tout entière, l’Italie de 1849 à 1878, qui apparaît dans son travail contemporain, dans ses métamorphoses, dans toutes les crises d’où elle est sortie victorieuse. C’est déjà presque une légende que cette histoire de quelques années, contenant tant d’événemens. Comment cette grande œuvre s’est-elle accomplie ? On le sait bien, elle n’est devenue possible que le jour où elle a échappé aux conspirateurs, aux sectaires, aux révolutionnaires, et où elle a trouvé son champion couronné, ses conseillers, ses politiques, ses coopérateurs obéissant à une direction prévoyante. Elle s’est accomplie par lalliance savamment préparée de toutes les forces, par un prodigieux mélange d’audace, de souplesse, d’habileté, de calcul, de prudence. Le rôle de Victor-Emmanuel a été de rester à travers tout le chef de la grande entreprise, ralliant par degrés tous les patriotismes, contenant souvent les impatiences par son ascendant de souverain. Son habileté, à lui, a été toujours d’être un roi national et constitutionnel, de s’identifier dès le premier instant avec cette cause dont il a pu dire un jour sans que personne ait douté de sa parole : « La cause nationale m’a coûté trop de sacrifices pour que je ne lui sois pas irrévocablement attaché. » Un de ces sacrifices intimes avait été de souscrire à cette convention du 15 septembre 1864 qui impliquait le déplacement de la capitale, l’abandon de Turin. Ce jour-là il ne pouvait se défendre d’une profonde et douloureuse émotion ; il disait à ses ministres : « Moi, je suis Turinois, et personne ne peut comprendre le déchirement que j’éprouve en pensant que je devrai abandonner cette ville où j’ai tant d’affections, où il y a tant de fidélité pour ma famille, où reposent les os de mon père et de tous les miens. » Il parlait ainsi ; mais le sacrifice une fois fait, lorsqu’il s’agissait de choisir une autre capitale temporaire, de décider si on irait à Florence ou à Naples, il retrouvait toute sa clairvoyance ; il démontrait supérieurement à ses ministres que si on allait à Naples on n’en pourrait plus sortir, qu’il fallait par cela même renoncer à Rome, tandis qu’après quelques années passées à Florence on pourrait sans difficulté dire adieu aux Florentins et aller encore à Rome. Ce n’est pas qu’il eût un goût prononcé pour Rome, où il s’est toujours considéré un peu comme