prisonnier ; cétait ie souverain patriote qui pariait sans savoir encore comment il arriverait au Capitole.
Cette carrière royale, M. Giuseppe Massari la raconte en historien fidèle, et il fait mieux : il peint l’homme dans le souverain, il retrace par mille traits intimes, familiers, ce caractère de prince alliant le tempérament du soldat à la finesse du politique, la cordialité facile, joviale à un sentiment très fier, très élevé de sa propre dignité. C’est par ces qualités de l’homme et par le dévoûment du souverain que Victor-Emmanuel avait conquis cette popularité que rien n’avait obscurcie au moment où il disparaissait brusquement du monde il y a bientôt un an, après une existence si agitée, si complètement couronnée par le succès. Parfois, dans les derniers temps, en regardant autour de lui, en voyant s’en aller un à un ceux qui avaient été ses lieutenans ou ses auxiliaires, il semblait sentir le poids du règne. « Tous ceux qui m’ont servi depuis le commencement et qui m’ont aidé à faire l’Italie s’en vont, disait-il, ils m’abandonnent. Je ne suis pas encore vieux et déjà je me trouve être le doyen des patriotes et des hommes politiques de mon pays. » Le roi a disparu prématurément, le règne reste comme un exemple, et la manière dont l’Italie a été faite est un enseignement permanent pour les Italiens qui ont à la conserver aujourd’hui. Il y a dans cette histoire de M. Massari, au sujet de nos derniers désastres, un mot certainement curieux de celui qui fut le premier roi d’Italie. Victor-Emmanuel avait des sympathies sincères pour la France. Si cela n’eût tenu qu’à lui, il aurait combattu pour nous en 1870, et depuis, à Berlin même, il ne l’a pas caché à l’empereur Guillaume. Il était resté un allié reconnaissant pour Napoléon III, tout en ressentant vivement parfois les ennuis et les embarras d’une intimité onéreuse. Le jour où il recevait la nouvelle du désastre de Sedan, après avoir failli s’engager avec cet empereur prisonnier et déchu, il éprouvait une sorte de saisissement. Il laissait tomber la dépêche en prononçant ce mot singulier : « Et dire que cet homme voulait toujours me donner des conseils ! » Eh ! oui, il avait les manies d’une prépotence d’ostentation. Il prodiguait aux autres des conseils dont il aurait eu grand besoin pour lui-même. Il a fait croire à sa sagesse, presque à sa grandeur, parce qu’il était porté au sommet des événemens comme sur les flots, et il a disparu en ne laissant à la France que des ruines qui rendent encore et rendront longtemps témoignage contre ces dix-huit années d’une énervante domination.