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semblent préoccupés de chercher par-dessus tout leur bien-être. Ils ne le placent peut-être pas où nous le mettons : chaque siècle en ce genre a ses opinions et ses préférences, et il y a une mode pour la façon d’être heureux comme pour tout le reste. Si nous nous laissons trop dominer par cette tyrannie de l’habitude qui ne nous permet pas de croire qu’il soit possible de vivre autrement que nous vivons, les maisons de Pompéi nous paraîtront petites et incommodes; mais si nous oublions un moment nos idées et nos usages, si nous essayons de nous faire Romains par la pensée, nous trouverons que ceux qui les habitaient les avaient très bien faites pour eux, et qu’elles étaient parfaitement appropriées à tous leurs goûts et à tous leurs besoins. A ceux qui en trouvent les pièces trop étroites à leur gré, on a répondu avec beaucoup de vraisemblance que les habitans ne vivaient guère chez eux et qu’ils passaient une grande partie de leurs journées sous les portiques du Forum et des théâtres. Il faut ajouter que, si les chambres ne sont pas grandes, elles sont nombreuses. Le Romain use de sa demeure comme de ses esclaves, il a des pièces différentes pour tous les incidens de la journée comme il a des serviteurs pour toutes les nécessités de la vie. D’abord la partie de sa maison où il accueille les étrangers est tout à fait distincte de celle où il se retire avec sa famille. On ne pénètre pas aisément dans ce sanctuaire qui est séparé du reste par des corridors, fermé par des portes ou des tentures et gardé par un concierge. Le maître reçoit quand il veut, il s’enferme chez lui quand il lui plaît ; et si quelque client plus ennuyeux et plus tenace l’attend à sa sortie dans son vestibule, il a une porte de derrière (posticum), sur une rue étroite, qui lui permet de s’échapper. Chez lui, chaque pièce est faite exactement pour l’usage auquel on la destine. Il ne se contente pas, comme nous, d’une seule salle à manger ; il en a de plusieurs dimensions, selon le nombre des amis qu’il veut traiter. La chambre où il fait sa sieste pendant la journée, celle où il se retire la nuit pour dormir sont très petites; elles ne reçoivent la lumière et ne prennent l’air que par la porte; ce n’est pas un inconvénient dans le midi, où l’obscurité donne la fraîcheur. Il n’y demeure d’ailleurs que juste pendant le temps de son sommeil. Pour le reste du jour il a une cour fermée, ou atrium, une cour ouverte ou péristyle; si le terrain le permet, il y joint un petit jardin, avec quelques arbres et des treilles suspendues à d’élégantes colonnes. On y rencontre aussi quelquefois une grotte en rocaille; que voulez-vous! c’est dans tous les pays du monde un goût particulier aux bons bourgeois. Mais ceux de Pompéi l’emportent de beaucoup sur les nôtres par les précautions qu’ils prennent pour que leurs regards ne