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quartiers populaires, la présence et les habitudes des petites gens ne s’y révèlent guère que par ces lieux de plaisir qu’ils fréquentaient volontiers, comme partout, les cabarets et les auberges. Il n’en manque pas à Pompéi. A l’entrée de la ville, on trouve des hôtelleries destinées aux paysans des environs quand ils venaient vendre leurs denrées ou acheter ce qui leur était nécessaire. Devant la porte, le trottoir est abaissé pour que les chars paissent entrer dans la remise : il leur eût été très malaisé de circuler dans les rues étroites de la ville où deux voitures seraient embarrassées à passer de front ; aussi trouvait-on plus simple de les laisser à l’auberge. Ces hôtelleries contiennent de très petites chambres où les voyageurs passaient la nuit quand ils étaient contraints de prolonger leur séjour. Ils ont quelquefois laissé leur nom sur le mur, avec des réflexions qui ne manquent pas d’intérêt. On pense bien que ce ne sont pas de grands personnages qui se contentent de gîtes si médiocres. Il y a dans le nombre un soldat prétorien en congé, des pantomimes qui viennent donner des représentations, un habitant de Pouzzoles qui profite de l’occasion pour souhaiter toute sorte de prospérités à son pays natal (coloniœ Clandiœ Neronensi Puteolanœ feliciter !) et un amoureux qui nous apprend qu’il a passé la nuit tout seul et qu’il a beaucoup regretté sa bonne amie (Vibius Restitutus hic solus dormivit et Urbanam suam desiderabat).

Nous sommes là, comme on voit, en compagnie de fort petites gens; ceux qui hantaient les cabarets ne devaient pas être plus distingués. Les boutiques où l’on débitait des boissons chaudes (thermopolia) sont assez nombreuses à Pompéi; on les trouve d’ordinaire, comme chez nous, dans les endroits les plus passagers, surtout à l’angle de deux rues. Devant la porte est placé un comptoir de marbre avec des ouvertures rondes dans lesquelles s’enfonçaient les vases qui contenaient les boissons et des petites étagères où devaient être rangés des verres de différente forme et de diverse grandeur. C’était pour les gens pressés, qui n’avaient pas le temps d’entrer dans la boutique et voulaient boire sans s’arrêter. S’ils avaient du loisir et tenaient à se mettre plus à l’aise, ils allaient s’attabler dans d’autres pièces qui faisaient suite à la boutique. On a précisément découvert un de ces cabarets pendant que je visitais Pompéi; il était décoré de peintures curieuses qui font bien voir quel public le fréquentait, et que c’était à la fois un tripot et un mauvais lieu. L’une de ces peintures montre les servantes du cabaret qui s’amusent avec les cliens, les poursuivent, les embrassent et les excitent à boire. Une autre représente deux hommes barbus qui tiennent une table de jeu sur leurs genoux et jouent aux dés. Ils paraissent tous deux fort animés; l’un semble triomphant du